Extrait du journal

hasard, elles se réveillent tout à coup de tous leurs plaisirs,, et s'aperçoivent avec un frisson subit que, dans leur vie encombrée; elles sont seules. Vivant ainsi,; elles peuvent bien se croire,dédaigneuses, mais elles se trom pent: elles ne dédaignent et ne choisis sent rien. Elles peuvent bien se croire orgueilleuses, mais elles . s'abusent : toutes vaines qu'elles puissent être de leur mérite, elles n'oseraient pas risquer de demeurer un peu à l'écart, fût-ce pour devenir un centre à leur tour. Elles croiraient ne plus exister, si elles ne se mêlaient plus à ce dont on parle. Elles ne s'abstiennent de rien. Toutes elles suivent la mode avec une émulation éperdue qui, quelque différence qu'il y ait entre elles, ne les rend que trop pa reilles. Elles ressemblent à ces petits papillons nocturnes des jardins, qu'af fole le moindre point brillant. et qui, pour une bougie allumée, délaissent les riches, régions où s'épanchaient les parfums et l'ombre. * *** ; Le charme est tout à l'opposé, il naît d'une, "âme et d'une vie toutes ■ diffé rentes.. Il comporte bien, plus de fierté et d'effacement, il est une des plus grandes, délicatesses des natures peu communes de ne souhaiter plaire qu'à ceux don t eltés estiment le suffrage et de dédai gner, pour ainsi dire, le nombre des voix. Lecharméd'une femme est comme l'aveu et l'apparition involontaire dés qualités qu'elle voudrait justement voi ler. Il sort de tous les rêves quelle a contenus, de tous les désirs qu'elle a domptés, de toutes les pensées qu'elle n'a pas dites. C'est de la mémoire et du secret. C'est la transparence d'un feu caché, c'est le parfum d'un jardin fermé. Quel charme , pourraient-elles avoir, celles en qui rien n'est réservé ? ' Abel Bonnard....