Extrait du journal

Un homme de cinquante ans fait aujourd'hui des retours en arrière qu'il aurait cru ne devoir jamais accomplir. Sa pensée va du présent si sombre à d'autres heures sombres qu'il a vécues, où le sort de tant d'êtres et de tant de choses aimés était en gagé. Il voit que la guerre ne pose plus les mêmes interroga tions, qu'elle ne se présente plus sous le même aspect. Elle était alors un aboutissant, un règle ment entre armées de différends nationaux. Elle est à présent une menace permanente, d'autant plus atroce qu'elle suspend sur les hommes les malheurs qui lui sont ordinaires et, plus encore, le poids d'un désordre dont il est impossible de -concevoir l'étendue. Les hommes se sont toujours battus pour gagner ou sauver quelque chose : ils nè peuvent plus se battre aujour d'hui que pour tout détruire. Cette fatalité fait horreur à l'esprit tout en lui posant des questions auxquelles il,' lui est difficile de répondre. C'est du rant de pareils moments qu'il est réconfortant d'entendre quel ques grandes voix. Elles s'étaient levées dès cette fin du mois de juillet 1914, où le devoir se pré cisait d'une façon irrévocable. J'ai connu, approché en leur temps les trois hommes qui de vaient être les plus écoutés. Cle menceau, fidèle à son réalisme intransigeant, s'inquiétait dès les premiers jours de la campagne de ce qui pouvait apparaître faible dans notre résistance. Sa...