Extrait du journal

Tous les Français sont égaux devant la loi quand ils n'exercent pas la profession d'auteur dramatique. L'art d'écrire des pièces de théâtre n'est que toléré. Certes, on est libre de composer des drames ou des vaudevilles et de les lire à ses amis ; on peut les entasser dans les tiroirs et môme les porter à des directeurs qui les refusent. Mais quand ils reçoivent les pièces et qu'ils font mine de les jouer, c'est une autre affaire. A moins de marier Alfred et Ernestine selon la formule, l'auteur dramatique vit dans des transes perpétuelles jusqu'au moment décisif ; son ouvrage ne lui appartient plus tant qu'il n'est pas revenu de la Censure, et celle-ci ne se prononce qu'à la dernière heure. Ce détail est à noter. La Censure n'accepte que le manuscrit tel qu'il sera interprété le premier soir. Et comme le travail des répétitions impose de continuels changements, impossible de lui soumettre la pièce à temps. C'est donc toujours peu de jours avantla première que la tempête éclate, alors que les décors sont prêts, que pas un costume ne manque....