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Le Figaro, 23 décembre 1929

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Le Figaro
23 décembre 1929


Extrait du journal

Un récent voyage dans le grand-duchc de Luxembourg, où j'ai pu visiter la magnifique ab baye de Clairvaux, au-dessus du plus charmant val lon et aussi la petite maison sur la rivière qu'habita, dans le village de Vianden, Victor Hugo, en 1870, lorsqu'il revint de son exil volontaire à Guernesey, m'a fait "connaître et aimer davantage c& petit pâys aux trois frontières, française, belge et allemande, qui nous a témoigné, en tant de circonstances, son amitié. Je recevais avant la guerre la visite d'un jeune étudiant luxembourgeois, M. Arthur Didrich, venu à Paris pour y achever son instruction juridique et littéraire. Il avait écrit une brochure sur Richard Wagner et il préparait un petit volume sur l'Emi gration française dans le duché de Luxembourg. Il me parlait avec tendresse de son pays natal, dont il me vantait les merveilles naturelles et il ajoutait : — Vous ne savez pas comme nous aimons la France. Elle est pour nous la liberté et la joie. Je l'ai, connue bien avant de venir à Paris. — Et comment l'avez-vous connue ? — Elle est mêlée à mes souvenirs d'enfance. J'ai commencé mes études à Longuyon, chez les Frères de la Doctrine chrétienne. Us ont inspiré l'amitié de la France à des générations de petits Luxembour geois et de petits Lorrains qui se succédèrent chez eux d'année en année. Un jour de quatorze juillet, nous jouâmes une pantomime militaire : je portais un uniforme français adapté à ma petite taille et je devais tomber dans une charge victorieuse. Je ne puis dire quel plaisir j'avais à mourir en soldat français... Cette parole m'est revenue bien des fois à la mé moire au cours de la guerre, quand je 'me trbuvais dans le voisinage du régiment étranger où servaient tant de volontaires luxembourgeois. Le général Degoutte, qui commandait alors la division marocaine avant d'exercer de plus hauts commandements, me dit un jour : « Nous avons à la Légion beaucoup de Luxembourgeois. Napoléon disait d'eux : bon coeur, mauvaise tête, soldat incomparable... Je n'ai pas remarqué qu'ils aient mauvaise tête... » Ce jeune étudiant, qui venait me voir avant la guerre, engagé et deux fois blessé, a écrit l'histoire du Luxembourg à la Légion étrangère et, en tête de son petit livre, j'ai trouvé ces lignes qui m'ont profondément ému : « Ils se sont battus, dit-il de ses compatriotes, pour la patrie luxembourgeoise, notre patrie, la cité de nos pères, qui nous ont légué ce sentiment de l'in dépendance qui fait notre fierté, et toutes nos solides vertus qui font notre force et notre fortune. Mais ce terme de patrie, palria, forgé par les Romains, ne désigne pas tout notre être. Il y a en nous quelque chose de plus doux, un cœur battant plus fort à la misère humaine, un sentiment de la vie, une sensi bilité qui nous-viennent de plus loin, de plus haut, d'une patrie plus grande que j'aimerais appeler no tre mère, j'ai nommé la France. » Lisant cette phrase, je me suis souvenu du petit collégien de Longuyon qui acceptait avec plaisir de mourir en soldat français. Revenu récemment à Verdun, où je n'étais pas retourné depuis la guerre, comme je sortais par la porte Chaussée pour prendre la direction du fort de Douaumont, j'ai vu que l'avenue que je suivais s'ap pelait avenue du Luxembourg. La. raison en est gravée sur un petit monument : c'est en souvenir de l'aide donnée par le Grand-Duché et par la ville de Luxembourg pour le relèvement des ruines de Ver dun. Ainsi étais-je préparé à m'émouvoir en me retrou vant dans ce petit pays qui a donné pour nous son sang et son or... Henry Bordeaux, de l'Académie française....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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