Extrait du journal

Voici plus d'un an que la crise a commencé. Elle dure toujours. Malgré les prédictions apaisantes des officiels à Washington et des grands hommes d'af faires à New-York, elle n'a cessé d'empirer depuis un an. A l'automne 1929, quand elle commença, chacun disait : « Au printemps ça sera fini » ; au printemps, on entendait affirmer partout : « At tendez la reprise des affaires pour l'automne ». Et durant novembre, les augures soutenaient : « On a atteint le fond, ça ne baissera plus d'ici Noël et le marché rebondira au printemps 1931 ». Ce pendant les trois premières semaines de décembre auront été les pires de l'année, et le printemps est encore loin. Le chiffre des sans-travail est considérable. Dans les rues de New-York, 011 voit d'immenses files de jeunes gens aux portes des soupes populaires. Au coin des grandes avenues, des hommes et des fem mes, souvent bien vêtus, vous offrent des pommes (1 fr. 25 la pomme). Ce sont des sans-travail. Les sans-travail vous demandent l'aumône l'après-midi aux portes des stations de métro. Ils vous deman dent parfois la bourse ou la montre, tard dans la nuit, dans les quartiers tranquilles. Les sans-travail font des manifestations communistes. Ils vont crier devant le Congrès. Ils empêchent M. Hoover de dormir. Ils sont une obsession, une calamité pu blique. On fait des statistiques sur les sans-travail, mais autant vaudraient des contes de fée. Selon le goût du statisticien, il découvre 2.000.000 ou 7.000 000 de sans-travail. Dans une ville du Massachusetts où j'étudiai le problème, le journal démocrate an nonçait 30.000 sans-travail, tandis que le comité de secours ne trouvait que 4.000 véritables sanstravail susceptibles de travailler, le^ autres étant des infirmes, des malades, des vieillards, des fem-...