Extrait du journal
par HENRY de MONTHERLANT Quand la vie a tendance en vous à s'assoupir, vous sortez et vous la risquez. Et la vie se ré veille en vous et prend feu. D'une simplicité enfantine. Depuis quarante-huit heures, cet homme n'est plus le même. On le surprend à chanter, seul, dans sa chambre ; dans la rue, il tient la taille plus droite ; à table, il dévore ; sa conversation a un brillant imprévu. Que s'est-il passé ? Il a .décidé de risquer sa vie. Et la bonne conscience, moralement et physi quement, l'a lavé. Volontaire au danger : un bain de jeunesse. Son visage même le dit. Les gens qui sont prêts à,§£ faire tuer, cela se voit tout de suite à leur tête. ïl est rare qu'on s'y trompe. ;Qu'y a-t-il, sous ce visage éclairé (s'il s'agit, par exemple, d'être volontaire à la guerre) ? Pourrait-on y lire : « Je sais le peu que je suis, fragile et passager, et que cette terre est une vallée de larmes, et que la vraie grandeur et la vraie joie sont de se donner tout entier jus qu'au sacrifice » ? Non, j'y lis : « Si les royaumes de ce monde pouvaient soudain s'abîmer, n'exister plus ! Si je pouvais oublier le. bonheur comme, dans la vie normale, je voulais oublier le malheur ! Hélas ! Tous ces visages d'êtres adorés, visages d'un autre âge, ces yeux clos, la douceur de cette joue, douceur qui n'est pas de la terre. Pourquoi risquer tout cela? Au nom de quoi? Démence, démence, à se prendre la tête dans les mains. Je vois la démence, et je la suis. Détériora sequor. » Le soir, parce qu'il a vu dans les yeux des hommes qui le regardent une attente, parce qu'il s'est grisé de l'image que les autres se font de lui, changement de décor, mourir est facile, que ne lui présentez-vous l'épée tout de suite ! cela serait fait en un tournemain. Mais le matin, au réveil, quand il est tout à fait seul lon^peutTétre., quand, .y. n'est pas tout a fait seul), sa raison crie : « Non ! », sa chair crie : « Non ! », tout son être : « Non ! Non ! Non ! ». L'héroïsme, c'est quelquefois de n'être un héros qu'à demi. r * * * La Fédération Nationale des Combattants Volontaires (1) groupe depuis une dizaine d'an nées un certain nombre de ceux qui, à la der nière guerre, ont été au feu de leur plein gré : blessés inaptes, auxiliaires inaptes, réformés, prisonniers évadés, affectés spéciaux qui ont demandé à être versés dans une unité combat tante ; ajournés, exemptés ayant devancé d'un long temps leur appel ; mobilisés demeurés combattants au delà de l'âge légal ; blessés qui ont renoncé à leur convalescence pour rejoindre leur unité engagée, etc... Bien avant que la Fédération m'eût fait l'hon neur de m'accueillir parmi les siens, j'avais as sisté, en province, à quelques-unes de ses as semblées. Et mon habitude — mon obsession — de substituer en imagination aux habits civils des hommes qui m'entourent le casque et la capote, s'augmentait du désir de discerner chez ces combattants volontaires un je ne sais quoi qui les distinguât de leurs anciens camarades du front; C'est que, d'être à la guerre comme volon taire, toute la guerre changeait pour vous de figure. Un volontaire ne pouvait se plaindre sans ridicule et sans illogisme. Il adhérait à la guerre, puisqu'il y était entré sans qu'on l'y forçât. Immense différence avec les autres. Ét il ne pouvait davantage être plaint. Au con traire. « Toi qui t'en ressens, tiens... », et de lui passer le sale boulot. Ce qui n'était pas tou jours à son goût. Car le courage est comme la charité, le difficile est de continuer. Cessez de donner à qui reçut de vous plusieurs *f ois, vous en serez haï. Cessez d'être courageux, on vous calomniera. Et pourtant le mot de Morand : « La plus grande joie après celle de quitter, son pays, c'est celle d'y revenir » peut, rettfurné. s'appliquer au front. S'il y avait une joie égale à celle d'y venir, c'était bien celle de le quitter. Oui, sauf tout au début, peut-être, dans l'at mosphère des « A Berlin ! », et tout à la fin, . quand on respira la victoire, durant tout le cours de la guerre, le volontaire dans un régi ment (si son courage n'était que normal, s'il n'était pas hors de pair) dut subir à la fois, en outre de l'épreuve commune, le comble des exigences du service, et la malveillance d'un certain nombre de ses camarades. J'ai vu un auxiliaire qui, venu en volontaire aux premiè res lignes, s'ingéniait à cacher, et quand il le pouvait à faire disparaître, le brassard d'auxi liaire que le règlement le forçait à porter : loin, d'étaler sa qualité de volontaire, il la sentait comme une provocation, et cherchait à la faire pardonner. J'ai connu un engagé volontaire de soixante ans, ancien fonctionnaire, venu au front par jeunesse de cœur. « Je n'en fais pas lourd », me confiait-il humblement. Je lui répondis, m'inspirant d'un mot de Lucain, à propos d'un autre vieil engagé volontaire, dans la guerre de César et de Pompée : « Vous êtes un exemple,...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - lebrun
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