Extrait du journal
mands et leur Chambre de commerce se montraient hésitants, sinon hostiles. L'affaire traînait, se présentait mal. au delà du Rhin. C'est alors que Deloncle et Jules Roche, vite, vite, ont fait voter le Palais-Bourbon 1 Je trouve le procédé absolument incorrect et, en plus, d'un sens politique vraiment pitoyable. Il eût infiniment mieux valu laisser l'Allema gne s'engager dans une entreprise qui eût fait four, et, si vous la vouliez absolu ment votre Exposition, la faire en 1902. A Berlin, elle eût échoué, et l'on sait bien pourquoi. Le correspondant du Figaro à Londres publiait cette semaine l'opinion d'un Anglais autorisé, directeur de la section britannique dans toute ex position où l'Angleterre prend part offi ciellement. Sir Henry Trueman "Wood pense que les produits industriels n'in téressent pas le public, qu'ils ne sont là que pour donner « un air de respecta bilité » à des attractions diverses, comme en 1889 à Paris, _ajoute-t-iI. II est fort évident que pour l'agrément léger, la distraction, la fête, Paris, aux yeux de l'univers, prime Berlin, et, dès lors, un homme de gouvernement vraiment sensé aurait reculé de deux ans l'Exposi tion parisienne,pour faire d'autantmieux ressortir l'échec de la berlinoise. Et pour cette suprême Exposition, au lieu, encore une fois, d'appeler soixante ou quatre-vingt mille exposants, j'aurais voulu en avoir vingt mille au plus, mais de choix, dans toutes les manifestations industrielles ou commerciales. Ainsi ré duite et d'autant plus intéressante, j'évi terais \a erreur., où. vous allez tomber, d'envahir, tout un côté des Champs-Elysées. Notez que je raisonne dans le senti ment de MM. Deloncle, Roche et Picard qui veulent absolument une Exposition. Quant à moi, fût-elle du goût le plus charmant, je n'en veux pas. Gomment un homme qui a de la réflexion, du pa triotisme et qui intervient chaque année dans les discussions d'affaires étran gères n'a-t-il pas un peu de prévoyance ? Tenez! il faut tout dire: un politique sage songerait à tous les ennuis que nous aurions de voir tels personnages à Paris en 1900 ou 1902. Il faut nous épargner l'obligation de les inviter,et à eux la ten tation de s'inviter eux-mêmes. Voilà indiqués brièvement quelques arguments nationaux et qui.je pense, ne sont pas inspirés par la haine de la pro vince contre la grande ville. Mais croyez-vous donc que Paris la désire cette Exposition 1 J'ai fait mon en quête. Je veux bien passer sous silence les amis de Paris, ses admirateurs, gens de goût qui l'habitent pu le visitent et que vos dégradations indignent. Je veux bien taire les petits rentiers, les fonction naires dont vous chargez le "budget. Sut tous ces points, notre triomphe serait trop facile. L'Exposition leur fait horreur et aggrave durement leur vie. Mais je suppose que vous tenez en réserve, pour me l'opposer, l'intérêt des commerçants. Eh bien ! j'ai fait mon ènquête. Même pour le commerce de Paris, l'Exposition est funeste. Ce qu'on appelle la «saison de Paris » est totalement perdu l'année qui précède et.Vannée qui suit l'Exposition. Si bien qu'en supposant que les affaires doublent l'année de l'Exposition, il y a encore perte d'un tiers. Je m'explique. Cette année-ci 1895, la saison de Paris est excellente *, l'étranger est venu nombreux et a fait ses achats. C'est ce jnouvement régulier et normal qui fait la prospérité et la vente de « l'ar ticle de Paris ». Or, deux ou trois ans avant l'Exposition, la statistique établit une diminution notable dans l'arrivée des étrangers à Paris. L'année qui la précède immédiatement est complète ment perdue : on se réserve. L'année qui suit, cette grande fête est tout à fait morne, on se répare. Le mouvement normal, régulier, ne reprend que deux ou trois ans après. Avec des expositions tous les dix .ans, ce mouvement régulier, qui est le plus fécond, ne dure que qua tre ou cinq ans. M. Humbert peut vanter dès lors le mouvement d'affaires amené par l'Expo sition ; il ne décompte pas les pertes su bies par les années qui précèdent et qui suivent, et qui font qu'en somme Paris lui-même y perd et y perd énormément. •Et tenez, l'autre jour, nous disions pour définir les plus beaux côtés de l'Ex position : Limonade et Prostitution. Eh bien 1 non, pas même. Les restaurants et les cafés qui ne sont pas dans le voisinage immédiat du Champ-de-Mars sont déserts durant cette fête de six mois, parce que les étrangers, les pauvres même, s'ils veulent dépen ser, se distraire, s'en vont à l'Exposition. , Quant à la prostitution ! Eh bien, dans un manuel spécial de M. Carlier, je trouve que « les chiffres de Lourcine joints à ceux de Saint-Lazare ont une signification certaine, établissent d'une façon indéniable l'augmentation de la contagion après les expositions ». Que d'arguments nous fourniraient les faits observés de bonne foi, ;sans pathos patriotique ! J'ajoute ces deux colonnes-ci aux considérations qu'après tant d'autres nous avons précédemment cataloguées. Je ne puis ni me répéter, ni m'étendre davantage. Mais s'il plaîtà M. Humbert que nous discutions dans quelque réunion où les intéressés pour ront se faire entendre, je suis à sa dis position. En regrettant de n'être pas l'orateur digne par le talent de débattre avec lui, je crois pourtant que j'aurais d'assez bons arguments à lui proposer et que la salle aussi m'en prêterait epuelques-uns. Je lui demanderais surtout de placer le lieu de cette réunion dans un quartier central de Paris, à son gré, parce que tout de même ses amis de Grenelle, dont il est plus spécialement l'organe, sont seuls capables de vouloir l'Exposition pour rien, pour le plaisir. ïi est très évident qu'il roule beaucoup d'argent au Champ-de-Mars et que les citoyens ingénieux d'un quartier si voisin en savent tirer de petits profits. Je ne reproche certes pas à M. Humbert-...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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