Extrait du journal

Le chemin de fer, en supprimant les distances, a rayé de la carte de France les démarcations de terri toire et placé les frontières aux barrières de Paris. Toute excursion de touriste, des Pyrénées à la Manche, du Rhin à l'Océan, n'est en définitive qu'une promenade extra-muros. La province n'existe plus.—J'en suis bien fâché pour notre ami Villemot, qui continue a. s'égayer irrévérencieusement, dans le Figaro, aux dépens des provinciaux. Nous ne sommes plus au temps où prendre le coche était une grave détermination pour un habitant d'Etampes, une affaire qui nécessitait une entrevue avec son notaire et les touchants adieux de sa famille éplorée. La rareté, la difficulté des communications d'une cité a l'autre, devait, — en isolant la province chez elle,— retarder la marche de la civilisation, en raison de l'éloignement plus ou moins grand où l'on était du centre de l'action sociale et gouvernementale ; — mais où diable notre spirituel chroniqueur a-t-il connu les originaux anté diluviens qu'il expose dans sa causerie comme un produit conservé dans le bocal des 86 départements ? Après tout, c'est bien fait pour les provinciaux; ils n'ont que ce qu'ils méritent : cela leur .apprendra à faire leur dieu de notre ami Villemot. Ceci, en forme de préface, est j)our vous apprendre que j'arrive de Blois, — « le pays où j'ai reçu le jour ! » — Et je suis si étourdi d'avoir fait en quatre heures et demie un voyage auquel, dans ma jeunesse, il fallait con sacrer deux jours et deux nuits, que je comprends le dés appointement de ce paysan qui, arrivé au terme de sa course, ne voulait pas descendre de wagon. La pataclie de son endroit avait mis jusque-là deux heures pour faire le trajet qu'il venait de parcourir en...