Extrait du journal
L es dentiers gravats de l'ex-Exposition seront-ils ba layés à temps pour l arrivée de leurs gracieuses majestés le Roi et la Reine d'Angleterre ? On .nous l'assure, bien que, par exemple, le Cours la Reine pré sente. encore un aspect assez tristement encombre, bue vieille chanson d'enfants, qui se danse, à grands coups de talons et fracas de sarabande véhémente, conseille : « Démolissons ! Démolissons Je cabinet- de. ma grandmère ! Démolissons ! démolissons ! jusqu'aux poutres et aux chevrons ! » Ceci, bien scandé par des voies clai ronnantes, activerait peut-être joyeusement le zèle des ouvriers et réchaufferait toute tiédeur. Nous avons hâte de revoir1 notre Paris en toute sa beauté, libéré de ses pavillons en ruines et de ses lépreuses palissades. Les pluies abondantes qui, en ce moment, abreuvent les pré coces fedillages, les laisseront superbes et rafraîchis lors que, de nouveau, le soleil luira. Magnifique parure de nos avènues, de nos quais, ces nobles arbres ne doivent pas. à leur base, voir s:amonceler les tas de pierrailles. Paris a grand'hâte d'être enfin débarrassé, nettoyé des détritus de la foire, mondiale. Rien n'est triste comme les lendemains de fête, les papiers gras des pelouses fou lées ou les désordres des salles de bal redevenues muettes. Et c'est un peu cette impression que nous donnent les reliefs de ces hâtives constructions qui eurent leur heure de beauté — n'oublions pas les nuits multicolores far dant tout de leurs sublimes lumières ! — mais qui ne sont plus que ruines pâlies, murs moisis, pierres inutiles . et ciments « désarmés ». Autre question brûlante : celle de la mode des coiffures nouvelles. Las d'être brossés en sens tombant, les cheveux se retroussent sur le sommet de la tête, y parachevant la coiffure en multiples boucles, annonçant le retour du chi gnon haut. Cet aspect du visage dégagé, de la nuque libé rée, de l'oreille évidente est très jeune, très gai, très net. On était un peu fatigué de ce rouleau autour de la nuque. — mais il permettait à la chevelure courte d'allonger assez pour se retrousser aujourd'hui savamment — et des bouclettes et tortillons. J'ai même vu. au beau spectacle de danses des Sakharof, une jeune femme dont, les che veux retroussés très haut et en touffe gonflée sur le front, évoquaient déjà ce bouffant épais et volumineux qui est on ne peut plus 1900 ! Tailles minces, amples et longues jupes du soir, large canotier posé en avant sur les yeux, autant de retours au « chic 1900 » si raillé en face des vieilles photographies et des premiers films rétrospectifs. Ledit canotier, volontiers instable, doit-il tenir sur la tête élégante à l'aide d'un élastique ou des « épingles à cha peau » ? Quelques épingles à chapeau réapparaissant, uti lement acérées, les épées se remettent elles aussi à servir... et le duel revient à la mode, car, en matière de modes, tout se tient, tout s'enchaîne. Allons-nous1 revenir- aux modes et manières 1900 ? ...J'ai assisté à un duel dans mon adolescence. Nous étions une bande, en pique-nique, à Villebon, et voilà que c'était le jour du duel de Laurent Tailhade et de je ne sais plus qui... On nous pria de rester à l'écart., Mais, ayant l'âge de la curiosité sans pitié, je voulus voir. Je grimpai les étages du petit hôtel, pénétrai indiscrètement dans une chambre propice. Déception. Je ne verrai donc rien, la fenêtre étant une lucarne haute ? Devant cette lucarne, je pousse une petite, table de toilette et, craignaut de manquer le spectacle, sans la débarrasser, j'y grimpe et, un pied sur la table et l'autre dans la cuvette, j'assiste au duel. Autre déception. Je ne vois qu'un petit monsieur tout noir, sorte de marionnette en redin-. gote, immobile. J'entends deux petits clic, clac. Le duel est fini. Ce fut un échange de balles sans résultat. Mais, puisque nous revenons aux modes 1900. ne va-t-on pas, pour les « rencontres » exiger dorénavant la redingote, le haut de forme, les bottines à boutons ?... Enfin, autre question brûlante, à juste adjectif, les fumeurs au ciné ma, question bien utilement posée par l'enquête du Figa ro. Si on admet — et il le faut bien — les cigarettes, ne pourrait-on, au moins, interdire absolument les cigares eî aussi la pipe ? Car j'en ai vu... et. hélas !" respiré.....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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