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Le Figaro, 25 décembre 1906

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Le Figaro
25 décembre 1906


Extrait du journal

Tous les ans, on a coutume dé dire que le réveillon n'existe plus. Et, tous les ans, ce pendant, on réveillonne de plus belle. La vé rité est que certains usages ne sont trouvés démodés que par ceux qui ne peuvent plus les pratiquer. C'est le vieux duc de Richelieu qui, après toute une existence consacrée aux femmes, disait, avec mélancdlie': « On n'aime plus en France ! > Il n'ajoutait pas qu'il ' avait alors quatre-vingt-dix ans, et que les femmes étaient peut-être excusables de l'aimer-un peu moins. Il n'y a malheureusement pas be soin d'avoir atteint cet âge-là pour ne plus être sensible aux charmes du réveillon.\Mais la vieille coutume- ne chôme pas pour cela, et où les pères ont passé, passent, avec le même entrain, les enfants. On-a pu s'en convaincre, une fois-de plus, cette nuit. Dès dix heures du soir, il y avait, comme on dit, du boudin dans l'air. Le temps, cependant, n'était guère propice. Le bon Noël qui n'est tendre qu'aux,petits enfants; versait une petite pluie fine'et : froide j dans les ,sour liers des promeneurs. Gela n'empêchait pas les boulevards d'être encombrés. Les gens allaient à leurs dernières emplettes, s'arrêtant devant les petites baraques, entrant chez les charcutiers, les marchands de comestibles^ rapportant quelques victuailles de la dernière heure au logis où la table est déjà mise. Car le réveillon est pour toutes les bourses, et c'est ce qui rend sans doute cette tradition impérissable. La fête, évidemment, n'-es: plus aujourd'hui ce quelle était dans les anciens temps. -Il n'est plus d'usage de laisser, durant la nuit de Noël,.toutes les maisons ouvertes aux voyageurs, aux étrangers, et surtout aux pauvres. II n'y a guère qu'en Angleterre où Noël —• le Christmas si gardé toute son aristocratique magnificence en, même temps que sa saveur populaire, et où la part des pauvres, selon la règle qu'institua le roi .Henri II, est scrupuleusement réservée dans chacun de ces festins. Ce qui ne veut' pas dire qu'en France, ni partout ailleurs, les malheureux perdent leurs droits en ces nuits-là. De telles fêtes poussent au contraire à la charité, et l'argent sort plus facilement des poches. Il- serait bien triste d'ailleurs qu'-un peu de ce flot d'or qui, le soir de Noël, se répand dans Paris ne dérivât pas vers ceux-, qui en ont réellement besoin. La statistique "aura fort à faire : ce matin pour calculer le nombre de kilomètres que l'on cou vrirait avec les pièces de cent sous, et même avec les louis d'or qui, toute' la nuit, ont dansé, dans Paris, leur sarabande. Tous les théâtres ont été remplis, et non seulement les. théâtres à succès, mais ceux-là mêmes qui ne connaissent jamais les douceurs du maximun. Un humoriste a dit fort justement que, ce soirlà, un théâtre qui rie jouerait rien ferait, tout de même, de l'argent. Quant aux restaurants, on n'en parle pas. Il en est où les tables-; ont été discrètement"? mises aux enchères. Elle» n'étaient pas au premier arrivant, mais ià/^celui dont l'addition...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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