Extrait du journal
tes JOURS SE smvEKT " BALZACIEN" Un Martiniquais de soixante-deux ans, garçon de salle dans un restaurant, a tiré deux coups de revolver sur la cuisinière de l'établissement — qu'il adorait... Les drames d'amour sont aujourd'hui des dra mes populaires. Les temps sont loin où seuls les rois, les reines et les favoris avaient le loisir d'aimer. Ils ont à présent d'autres soucis ; et c'est dans un monde moins noble, mais aussi moins accablé, que le romanesque sentimental et tragique s'est réfugié. Bref, ce garçon de salle, jaloux de sa bien-aimée cuisinière, a blessé gravement celle dont il ne pouvait accep ter l'éloignement. Et voici comment on annonce cette nouvelle dans un journal éminemment parisien : « C'est un petit drame balzacien qui a ensanglanté hier soir la cuisine de l'hôtel tenu, 8, rue de Parme, par M. Léon Ravaud. C'est dans ce sous-sol que naquit l'amour qui fait, aujourd'hui, du Martiniquais Auguste Boudville, un meurtrier A la fois repen tant et inassouvi... » Quelques autres pré cisions, puis le développement psycholo gique du drame commence : « Pendant longtemps, le Martiniquais cacha sa flamme, pais un jour, n'y tenant plus, il avoua à la cuisinière toute l'ardeur de ses sentiments... » Le récit entier est de ce ton, que je trouve charmant, qui est tout à fait le ton qu'il convient de prendre pour nous con fier ces choses au mois d'août, mais au quel je ferai pourtant un reproche. Pour quoi balzacien ? Pourquoi ce drame est-il qualifié de balzacien par son historiogra phe et non pas plutôt de racinien, qui me semblerait plus juste vu l'intensité des sentiments ? Que dirait Madame de Mortsauf? Notez bien que si-je relève l'impro priété de cette épithète littéraire, ce n'est pas parce que l'événement dont il s'agit se passe dans une cuisine. Balzac n'y re gardait pas de si près, et quoiqu'un de ses confrères ait dit de lui qu'il était un bourgeois « qui allait se décrasser chez les duchesses s>, il n'hésitait pas, le cas échéant, à descendre dans les sous-sols, ou, si vous préférez, dans les bas-fonds. C'est parce qu'il importe de conserver leur sens traditionnel à certaines compa raisons littéraires que je m'élève contre le Martiniquais, « amoureux balzacien ». Les amours d'une cuisinière ne sont pas balzaciennes. La vie et la mort de Stavisky le sont bien davantage. Mais qu'est-ce que je viens d'écrire ? On était si tranquille... Guermantes....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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