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Le Figaro, 26 septembre 1839

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Le Figaro
26 septembre 1839


Extrait du journal

Cela ne m'est arrivé qu'une fois, mais quelle mou che ! . . ; Je rentrais chez moi un soir, innocent comme au jeune âge, plein d'intentions pieuses et de sécurité. Je ferme mes fenêtres, tire mes .' rideaux, et j'illumine mon logis d'une éruption magnifique de mon briquet Fumade (garanti six mois de"feu).'t La rue était solitaire, le ciel couvert, le silence de la nuit n'était troublé que par les hc.iji ! du boulanger d'en bas qui se plaignait. Je le lui conseille, c'est moi qui aurais dû me plaindre. Je tire ma table, je taille ma plume et je commen çais cet article, quand j'entends vers le septentrion, c'est-à-dire du côté de ma cheminée, un bourdonne ment modulé comme les sifflemens qui précèdent la tempête. . Je donne un coup de mouchoir en l'air, ce qui vaut bien un coup d'épée dans l'eau. Je passe fièiement la main dans mes cheveux et je m'assieds, plein de mé pris pour les choses humaines, et planant sur les bruits de la ville endormie. Je demeure au cinquième étage au dessus de plusieurs entresols. Le bourdonnement avait passé du nord au sud. Ce n'était d'abord qu'un bruissement plaintif comme le vent dans les feuilles ou la scie sur un cottret. Je mé prisai cet organe comme il convenait. Mais peu à peu le bruit s'approche, la mouche s'ébat sur un temps de valse, et je crus avoir un aile de moulin dans l'oreille. Je me lève, je plie ma cravate, je suis l'insecte et je détache un grand coup dans la direction d'un portrait de mon trisaïeul. Le portrait me tombe sur le nez, je demeure étourdi, la mouche ronflait comme un orgue autour de ma tète. Je porte un second coup en quarte; je n'entends plus rien. Je me crus vainqueur et je revins m'asseoir en tordant mes hanches comme un tambour-mai Ire. Je reprends la plume, j'ouvre un livre et me plonge tout de bon dans les méditations les plûs transcendan tes. "J'avais à peine tourné le feuillet, que je sens un corps étranger se promener, au pas ordinaire, sur les confins de mon favori, entré le bas de la mâchoire in férieure et le bout de l'oreille. J'y porte la main et la plume. La mouche s'envole sans précipitation. Je trouvai cette familiarité sans mesure. La plume m'avait chatouille autant que la mouche. Je replongeais cette plume dans lecritoire quand je ne pus me dissimuler qu'on me caressait le visage...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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Données de classification
  • egypte
  • le nil
  • porte
  • seyssel
  • paris