Extrait du journal

L'air de la nuit printanière était pur, indiciblement pur; on y respirait les odeurs une à une, séparées par de grands espaces vierges, comme des liqueurs qui nageraient sans se mêler dans uïie eau claire. D'abord la nuit sentait les lilas, les lilas dont l'odeur enivre chaque fois comme si c'était la première fois, les lilas rêveurs, innocents, profonds, premier songe d'amour de la nature, trouble adorable de l'année avant la volupté, les lilas qui ont l'âme d'une jeune fille au soir de ses fiançailles. Quelques pas à peine, et c'était l'odeur du coucou, fine, miellée, odeur de feuilles plutôt que de fleurs, du coucou rustique qui semble avoir pris simplement l'arôme de la forêt d'avril pour en faire le sien. Quelques pas encore, et maintenant flottait la senteur des glycines dont les fleurs commençaient à ouvrir leurs ailes de papillon, senteur sucrée, tiède, molle, qui pendait dans l'air comme une soie invisible. Car, contrairement à ce que l'on dit d'ordinaire, les odeurs ne montent pas seulement, elles descendent aussi, elles amassent sous les plantes leurs essences impalpables et réelles, que parfois dans l'ombre, l'on sent dérangées par un geste......