Extrait du journal
J'entends dire partout que les denrées sont hors de prix —et qu'il,est impossible de ne pas mourir de faim à Paris. si l'on ne possède pas quelque pauvre million de rencontre. — Les ménagères qui connais sent leur histoire de France regrettent, le temps du roi Henri, où l'on metlait la poule au pot pour six sous parisis, sans que rien y manquât, gésier, cœur et abattis, — Dulaure affirme même qu'on fournissait la 1 barde de lard... — et les malheureux qui n'ont que dix mille livres de rentes demandent avec angoisses si l'on n'instituera pas bientôt un bureau de bienfaisance chargé de distribuer aux riches nécessiteux, forcément obligés à la représentation, des rliamanls, des équipa ges et des cachemires d'indigents... J'ai connu, il y a quelques années, un grand et beau garçon auquel ces jérémiades eussent alors fait hausser les épaules — c'était un bohème de la plus abracada brante espèce, et qui, sans études, sans frais d'imagi nation, avait résolu le problème le plus ardu Vivre pour rien ! D'où sortait-il? nous ne le savions pas, — lui-même semblait l'avoir oublié. — Il avait été puissamment ri che et avait laissé sa fortune se consumer aux flammes de la vie parisienne, sans songer à crier au fml—sans réclamer un seul pompier à la morale économique.... Pour lui, le passé était une dette prescrite et l'avenir un billet de présentation douteuse. 11 marchait donc insouciamment dans le présent, sans demander son chemin, comme si le sentier sinueux de la vie était tiré au cordeau à l'imitation du boulevard Malesherbes... Attendu que dans le garni que nous habitions avec lui, il ne possédait rien, nous lui avions donné le nom du patriarche le moins bien dans ses affaires. Nous l'avions appelé Job. — Vous m'avez mal baptisé, nous disait-il souvent avec un fin sourire. —Pourquoi? — Parce que, dans ce temps de progrès agricole, les engrais sont une fortune, surtout depuis qu'on en tretient la terre comme une maîtresse qui se fait payer d'avance... — Et alors. — Alors Job fût devenu de nos jours capitaliste... rien qu'à vendre son fumier. J'ai vécu longtemps dans la maison où il logeait. Je ne lui ai jamais vu en propriété un écu, fût -il rogné, un sou même de moûaco, — son gousset ne connaissait pas ces sonorités métalliques que les filles de marbre préfèrent au chant de la fauvette, — ses poches, comme la salle de M. de Beaumont, semblaient man quer complètement d'acoustique. 11 n'en était pas moins gai, robuste, alerte, sans plainte et sans chagrin... La moralité de Job était comme sa vie, d'une grande nonchalance, — certes, il n'eût pas commis pour vivre ' la plus petite mauvaise action, mais à ses heures d'appétit, il eût dévoré des beignets do pommes faits avec l'arbre du, bien et du mal, sans s'enquérir si Sa tan payait une patente de pâtissier, sans demander si Dieu en avait autorisé la cuisson......
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - dulaure
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