Extrait du journal
truiste. TJn tel effort, vous le savez, ma dame, était réservé à l'homme. Lisez, dit la princesse. M.Bergeret ouvrit le petit cahier jaune et lut-; pensées de riquet 1. — Les hommes, les animaux, les pierres, grandissent en s'approchant et deviennent énormes quand ils sont sur moi. Moi, non. Je demeure toujours aussi grand partout où je suis. 2. —Quand le maître me tend sous la table sa nourriture, qu'il va mettre dans sa bouche, c'est pour me tenter et me punir si je succombe à la tentation. Car je ne puis croire qu'il se prive pour moi. 3. — L'odeur des chiens est délicieuse. 4. — Mon maître me tient chaud quand je suis couché derrière lui dans son fauteuil. Et cela vient de ce qu'il est un dieu. Il y a aussi devant la cheminée une dalle chaude. Cette dalle est divine. 5. — Je parle quand je veux."' De la bouche du maître il sort aussi des sons, qui forment des .sens. Mais ces sens sont bien moins distincts que ceux que j'exprime par les sons de ma voix. Dans ma bouche tout a un sens. Dans celle du maître il y a beaucoup de vains bruits. Il est difficile et nécessaire de deviner la pensée du maître. 6. — Manger est bon. Avoir mangé est meilleur. Car l'ennemi qui vnns épie pour prendre votre nourriture est promp t et subtil. 7. — Tout passe et se succède. Moi seul je demeure. 8. — Je suis toujours au milieu de tout, et les hommes, les animaux et les choses sont rangés, hostiles ou favora bles, autour de moi; 9. — On voit dans le sommeil des hommes, des chiens, des maisons, des arbres, des formes aimables et des formes terribles. Et quand on s'éveille, ces formes ont disparu. 10. — Méditation. J'aime mon maître Bergeret parce qu'il est puissant et ter rible. 11. — Une action pour laquelle on a été frappé est une mauvaise action. Une action pour laquelle on a reçu des ca resses ou de la nourriture est une bonne action.. 12. — A la tombée de la nuit, des puis sances malfaisantes rôdent autour delà maison. J'aboie pour que le maître averti les chasse. 13. — Prière. - 0 mon maître, Bergeret, dieu du.carnage, je t'adore. Terrible sois loué! Sois loué, favorable! Je, rampe à tes pieds'; je te lèche les mains. Tu es très grand et très beau quand tu.dévo res, devant la table, dressée, des viandes abondantes. Tu ès très grand et très beau quand d'un. mince éclat' de bois faisant jaillir la flamme, tu changes la nuit en jour. Garde-moi dans ta maison à l'exclusion de .tout autre chien. Et:toi Angélique la cuisinière, divinité très bonne et très grande,: je te crains et je te vénère afin que tu me donnes beau coup à manger. 14. — Un chien qui n'a pas de piété envers les hommes et qui méprise les fétiches assemblés dans la maison du maître, mène une vie errante et misé rable. 15. — Un jour, un broc fêlé plein d'eau, qui traversait le salon, mouilla le parquet ciré. Je pense que ce broc mal propre fut fessé. ■ 16. — Les hommes exercent cette puis sance divine d'ouvrir toutes les portes. Je n'en puis ouvrir seul qu'un petit nombre. Les portes sont dè grands fé tiches qui n'obéissent pas volontiers aux chiens. ' . 17. — La vie d'un chien est pleine de dangers. Et pour éviter la souffrance, il faut veiller à toute heure, pendant les repas, et même pendant le sommeil. 18.,— On ne sait jamais si l'on a bien agi envers les hommes. 11 faut les adorer sans chercher à les comprendre; Leur sagesse est mystérieuse. 19. — Invocation. 0 Peur, Peur au guste et maternelle, Peur sainte et salu taire, pénètre en moi, emplis-moi dans le danger, afin que j'évite ce qui pourrait me nuire, et de crainte que, me jetant sur un ennemi, j'aie à souffrir de mon imprudence. 20. — Il y a des vdîtures que des che vaux traînent par les rues. Elles sont terribles. Il y a des voitures qui vont toutes seules en soufflant très fort. Celleslà aussi sont pleines d'inimitié. Les hommes en haillons sont haïssables, et ceux aussi qui portent des paniers sur leur tête ou qui roulent des tonneaux. Je n'aime pas les enfants qui, se cher chant, se fuyant, courent et poussent de grands cris dans les rues. Le monde -est plein de choses hostiles et redoutables. A cet endroit de sa lecture, M. Ber geret fut interrompu par des cris assez étranges que Riquet tira de son gosier. Il n'aboyait pas; il ne grognait pas. C'étaient des plaintes aiguës, une la mentation douloureuse. Tout le temps qu'avait duré la lecture de ses pensées, il s'était agité dans le fond de son fauteuil, avait donné des marques d'im patience, des signes d'inquiétude. De moment en moment son trouble avait grandi. Et voici que sa douleur éclatait. — Souffre-t-il d'être trop bien connu, demanda la princesse, ou se plaint-il de ce que vous avez trahi sa pensée? — Je ne sais, répondit M. Bergeret. Mais il s'est aperçu qu7on s'occupait de lui : de là son émoi. Anatole France. Echos La Température La dépression signalée hier â l'ouest de la Bretagne passe sur la Manche. Le baromètre a baissé dans le centre du continent. En outre Jes pluies sont générales en France; elles ont été abondantes à Besançon,'Bordeaux, Nantes et à Paris où la journée d'hier a été des plus mouillées....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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