Extrait du journal

Brescia, 22 juin. Le graud malheur des âmes de notre temps, c'est d'être condamnées à ne connaître la simplicité nulle part, pas plus dans les sentiments littéraires que dans les senti ments politiques. Il est devenu impossible d'avoir un dé nouement simple et complet à une seule cause. Après toutes nos luttes où les dieux n'ont jamais été d'un seul côté, et où parfois Caton n'était d'aucun côté, il faut pé cher par le cœur ou par les entrailles pour ne pas être ému de certains faits qui se combattent. Le tourment -dont souffrent tous les hommes qui ont quelque valeur depuis les premières années de ce siècle, c'est je ne sais -quel attrait égal pour les passions les plus opposées^ Il faut être complètement aveuglé par l'esprit de parti pour oser dire le contraire. Quiconque a eu un moment de sincérité •dans un de ces camps où les querelles politiques nous ont presque tous parqués, a jeté plus d'une fois un regard de regret sur le drapeau d'un camp ennemi. Quel est le roya liste ayant le cœur passionné et l'esprit haut qui n'a pas eu de grandes sympathies pour la Convention et pour la bravoure des jeunes volontaires de la République 1 Quel est le républicain ayant gardé l'intelligence du vieil hon neur français qui n'a pas éprouvé plus d'un élan d'en thousiasme pour les gardes du corps de Versailles, ou pour les attendrissants et chevaleresques souvenirs des -Charette, des Larochejaquelein et des Cathelineau ? Quel est le vieux noble entiché de sa noblesse qui n'a pas ad miré ces héroïques soldats de l'Empire qui gagnaient leurs ■épaulettes et leur bâton de maréchal non point par un sang dont les d'Hozier savaient la source, mais par un sang dont les soldats connaissaient la couleur ?...