Extrait du journal
Les chimistes appellent concentration une opération qui consiste à rapprocher les molécules d'un corps, en diminuant, par l'action de la chaleur ou autre ment, la proportion de l'eau qui les tient dissoutes. Les parlementaires, de leur côté, appellent du même nom, par-analogie, une opération qui consiste à rap procher les représentants des partis, en négligeant la plupart des idées qui les séparent Dans les temps difficiles, la concentration se nomme de préférence union, r Dans le»- temps, «calmes, -elle. est plutôt - un mélange. En toutes circonstances et à totitè époque, elle implique une confusion. Le régime parlementaire suppose en théorie deux partis qui représenteraient des équipes fraîches, mises successivement au service du bien public. En pratique, la multiplicité des groupes a ce résultat qu'aucun n'est capable de prendre le pouvoir. Les ministères sont régulièrement formés de parlemen taires appartenant à plusieurs groupes ayant entre eux certaines affinités. C'est déjà de la concentra tion, mais, si l'on peut dire, de la concentration familiale. On s'évertue en ce cas à rassembler des ministres dont chacun supporte cordialement le voi sinage de ses collègues. La concentration pure, au contraire, a pour objet paradoxal de réunir des êtres qui sont stupéfaits de se trouver ensemble et qui hors du ministère n'ont pas deux idées communes. Aussi cette entreprise hardie n'est-elle concevable que dans les grandes circonstances, quand il s'agit d'avoir une seule idée, comme la victoire ou le salut du franc. Dans les époques paisibles, les ministères de concentration font seulement l'effet d'arches de Noé, où on loge des représentants de toutes les espèces parlemen taires, qui n'ont même pas à attendre le retrait des eaux du déluge ou l'arrivée de la colombe. Sommes-nous dans des fnnées graves qui récla meraient l'union de tous les partis ? On peut le soutenir. On peut même se persuader, si l'on consi dère les résultats de l'évacuation de la Rhénanie, le discours de M. Curtius et les récentes discussions de Genève sur le désarmement, qu'il faut une poli tique française énergique et continue. Une véritable union, qui permettrait et soutiendrait l'action gou vernementale serait utile, à condition qu'elle eût un dessein défini. C'est ce qu'ont essayé de faire, avec des fortunes diverses, les gouvernements depuis 1926. C'est ce qu'ils n'ont pu faire, autant qu'ils l'ont sou haité, depuis le Congrès d'Angers et l'exode mélo dramatique des radicaux. Dans le discours où il a examiné, hier, l'ensemble de l'œuvre du gouvernement, M. André Tardieu a fait remarquer fort justement que si les radicauxsocialistes étaient tous hors de la majorité, s'ils étaient moins nombreux dans le ministère que de coutume, ils ne pouvaient s'en prendré qu'à euxmêmes. Us ont quitté délibérément, en 1928, M. Poincaré qui les avait généreusement accueillis malgré leurs erreurs. Ils n'ont voulu depuis lors entrer dans aucun ministère. Le, gouvernement ne peut pourtant, pour leur faire plaisir, renoncer à une majorité qui Im a été fidèle pour courir les chances incertaines d'une concentration qui serait pour l'opposition Un privilège non mérité pt qui de viendrait vite un abus. De quoi se plaignent donc les radicaux ? De s'être trompés. Depuis les élections de 1919, ils ont fait plusieurs voyages entre le parti socialiste et le parti national. Chaque fois ils ont pris un billet d'aller et retour. Ils ne quittaient les ministères du Cartel que pour les ministères d'union et les mi nistères d'union pour les ministères du Cartel. En 1928, ils ont commis une erreur d'appréciation. Ils ont quitté le ministère Poincare et ils n'ont pas trouvé à leur disposition de ministère cartelliste tout prêt pour les recueillir. C'est pourquoi ils sont dans l'embarras. Ils réclament la concentration, parce que sous ce nom bénin ils espèrent former quelque jour un cabinet socialiste et radical, dont personne ne veut. — André Chaumeix....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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