Extrait du journal

Je suis parti du Pirée un matin. Le Pirée est drôle, un peu absurde et plus oriental que tout le reste de la Grèce. La population des quais, fort sale évidemment, compose un extraordinaire mélange de races, de costumes et de baragouins. Il faut de la désinvolture et de l'entrain, si l'on veut circuler parmi ces foules remuantes, bavardes, quémandeuses qui, de loin; semblaient dormir ou méditer obscurément le rêve morne de l'Asie, et qui soudain vous aperçoivent et alors -se démènent vers vous avec effronterie, avec une gaieté familière. L'on est éperdu au milieu des marchands de loùkoumes, des marchands de tabac, des changeurs obligeants et voire officieux qui vous apportent leurs petites vitrines de monnaies étranges et de billets multicolores où l'on voit le paraphe de banques inconnues. Et l'on vous tend des oranges •ranges, des dattes, des melons verts a la chair, rosé, des grenades où l'on dirait qu'il s'est cristallisé, de l'aurore; et l'on désire passionnément de vous vendre quelques bonbons de sucre rouge, ou bien des rougets frits, ou bien de rudes parfums, ou bien des fleurs d'automne en petits bouquets jaunes ou blancs. Et voulez-vous peut-être un caïque? Les îles ne sont pas loin les îles tentantes et la mer est belle, avec un peu de brise dont frissonnent les voiles....