Extrait du journal

autre, à douze ans, joue l'étourdie pour se rajeunir ; « Que je suis enfant ! » La candeur n'y gagne rien, au contraire. Est-ce avec des grands rires, cristallins exprès, qu'elles gagnèrent et trahirent la confiance de parents naïfs, toutes ces petites « disparues » qui partirent, nan ties seulement d'un cartablé d'écolière ou d'une boite à lait ? Il arrive qu'on en retrouve une, et le silence se fait alors sur elle, après la grande quête dans les ' journaux, et les lamentations 'maternel les. « On croit qu'un louche individu a attiré la petite Suzanne... étouffé ses cris... » Mais non. Cette simple et bru tale couleur tragique n'est pas —. on l'ap prend trop tard —celle de la vérité. La petite Suzanne, la petite Eugénie, la pe tite enfin, la trop petite, est une enfant de ce temps-ci, mûrie au feu des images, au soleil des projecteurs, au rayon des regards, au souffle des paroles, et « dessaisonnée » comme un fruit de primeur. Avec le front aventureux des ignorants, avec la folle et froide outrecuidance, la diplomatie des prisonniers, c'est elle qui est allée délibérément à un piège en forme d'issue béante sur un gouffre d'azur, c'est elle qui a traité avec le -piégeur. Tous les enfants sont insonda bles. Mais que penser de la fillette dis parue.-qui, retrouvée, rendue à sa fa mille, passe de nouveau le seuil, fond, de nuit-, comtoïe une- chatte, entre le chambranle et le battant entrebâillé Nouis n'osons pas songer, nous qui ne sommes que de naïfs adultes, à la fil Jette qui a remis sans trembler sa main dans la main tendue hors de l'ombre, la main qui, peut-être, refermera, sur un cou enfantin, le collier d'empreintes creuses, couleur de violettes... Il ne faut pas trop trembler, pas trop maudire. Le lyrisme, .la tragédie s'ex priment comime ils peuvent dans la vie quotidienne ; un enfant prédestiné dis pose de moyens nouveaux pour désoler sa famille, c'est-à-dire pour tenter d'être grand. La génération qui enfanta deux; célèbres tragédiennes ruisselait encore des larmes- romantiques. Quelle mère, parmi nous, se réjouirait de l'adolescen ce ambitieuse et fébrile, obsédée de strophes, d'une Duse ou d'une Sarah Nos enfants réticents et solides couvent cependant le même mal, la même pro messe, car toute évasion est lyrisme et obéit à celle qu'Hélène Picard a nom mée : « Poésie, seul grand péché... » Colette....