Extrait du journal
Par MAURICE PONNAY, de F Académie française Quelques personnes étaient réunies, l'autre soir, dans une vieille maison d'une ville de province qui pos* sède une des plus belles cathédrales de France, Après le dîner très simple (on devait aller à la messe de minuit et revenir faire le réveillon dans la salle à manger qu'on venait de quitter), comme les invités commençaient à parler des affaires intérieures et extérieures, et les vieux murs du salon en entendaient de toute sorte, la maîtresse de la maison s'écria : « Oh ! non, ce soir, pas de politi. que ; je propose que chacun cherche dans ses souvenirs et raconte un conte de Noël, mais une histoire vraie, quelque chose qui soit arrivé ; je donne la parole à Mon» tandré. » Le personnage ainsi interpellé était un homme d'une soixantaine d'années qui ne paraissait pas cet âge et qui passait pour avoir eu quelques bonnes fortunes, depuis le jour où son cœur s'était éveillé à l'amour, environ 1900. — Une histoire vraie ? commença Montandré "f je vous préviens que .celle que je vais vous raconter est aase* invraisemblable i pourtant, je vous jure. qu'oUe est arrivée. — Aillez toujours, dit un sceptique, on verra bien, ■ Eh bien ! continua Montandré, cela se passait quelques années avant la grande guerre, dans un château du .sensible Vexin pù des châtelains des environs et quel ques Parisiens avaient été invités pour la Noël. J'étais venu de Paris avec une jeune femme fort jolie, que j'ap pellerai familièrement Alice, pour la commodité du récit, et dont j'étais très amoureux, mais qui ne m'avait donné aucun espoir. Comme, après la messe de minuit, entendue à l'église du village, en rentrant au château,' les dames étaient montées dans leurs chambres afin de pasBer une belle robe pour le réveillon, j'avais remis à Alice une petite boîte en lui disant : « Madame, vous trouverez là dedans un ornement dont vous n'avez pas besoin ; si vous l'utilisez cependant, pourrai-je considérer cela comme lin aveu ou un encouragement ? » C'était un cercle d'or pour mettre dans ses cheveux. — Oh ! soupira une jeune femme très moderne, quelle charmante époque où un homme pouvait tenir de tels propos et s'amuser à des bêtises pareilles ! Montandré encaissa sans broncher et poursuivit : — Au bout d'une demi-heure, Alice descendit, sans le cercle d'or. — C'est qu'elle se f... de vous, conclut la jeune femme moderne. — C'est ce que je me disais aussi, chère madame, sous une forme peut-être moins vive ; mais attendez. J'étais à table à côté d'Alice et me voyant soucieux, elle me dit : « Ne soyez pas si triste ; si je n'ai pas utilisé, ce soir, votre joli cadeau, cela ne signifie pas ce que vous croyez ; mais quand, devant îrça glace, j'ai mis ce cercle d'or dans mes cheveux, il m'était tellement seyant que j'ai pensé : « Oh ! non, ce ne serait pas gentil pour les autres femmes » qui sont là..., », et je l'ai ôté. Voilà. » — C'est qu'elle se trouvait moche, ricana la jeune femme moderne. — Rien ne pouvait la rendre ce que vous dites, répli qua doucement Montandré ; elle était infiniment jolie : un visage de madone avec de grands yeux bleus profonds sous des cheveux noirs partagés en deux bandeaux... — En ce cas, vous aviez raison, dit une ancienne beauté, de nous prévenir que vous alliez raconter une histoire invraisemblable : une jolie femme qui se prive d un ornement qui la rendrait plus jolie encore, pour 11e pas chagriner les autres femmes, cela ne s'est jamais vu. Beau trait de générosité, plaisanta un vieux mon sieur. — Je dirai plutôt trait de confiance en soi, siffla une petite blonde à tête vipérine. — Et par conséquent, trait d'impudeur, dit une grande brune, bien faite ; la pudeur, comme chacune le sait, étant un manque de confiance en soi. Trait d'outrecuidance, de vanité insupportable, d'or, gueil incommensurable, de sacrifice idiot, de pitié bles sante, etc., etc., cent traits malveillants sortaient de jolies bouches et se croisaient dans l'air. — Non, non, mesdames, vous n'y êtes pas, dit Montandré avec mélancolie ; vous ne comprenez pas, vous 11e pouvez pas comprendre et je vous plains de ne point admirer un trait de charité chrétienne, de bonté véritable, de cette bonté supérieure dans laquelle entrent de la psychologie, de l'imagination et une sensibilité profonde. Moi, dit la maîtresse de la maison, je me contenterais • de la simple bonté pour le règne de laquelle, il y a dixneuf cent trente-huit ans, Jésus est venu parmi les hommes. —- Et les femmes, dit un goguenard....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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