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Le Figaro, 29 février 1936

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Le Figaro
29 février 1936


Extrait du journal

LES JOURS SE SUIVENT 29 FEVRIER Ce jour qu'on nous offre tous les quatre ans pour que le temps soit une chose parfaite selon les chiffres et que la terre n'ait pas à tourner dans l'autre sens ou à s'arrêter pour reqaqner son horaire et s'accorder à nôtre calendrier, ce jour-là nous devrions en faire un jour exception nel. Prendre de grandes décisions. Ou plus simplement employer ces vingt-quatre heures à des fins desintéressees, rester chez nous a lire des livres, au lieu de les survoler d'un œil distrait selon noire habitude. Ou les réserver, ces heures, à quelque pieuse visite, vieil ami ou vieille amie, per sonne chère à demi déjà séparée du monde et dont la solitude est notre remords ; ou encore s'en aller voir un de ces paysages parisiens qui se situent hors de nos itinéraires habi tuels, auxquels nous pensons avec d'autant d'amitié qu'à certaines beau tés très lointaines, que nous pourrions cueillir si nous voulions, et qui pour tant nous restent plus étrangers que si nous n'étions pas leur voisin. Il est un de ces paysages, à la pointe de l'île Saint-Louis, au pont Sully, d ou l'on aperçoit une ouverture de Seine vaste et belle et qu'on connaît mal. Il suffit de se placer à côté du monument de Barye, et d'observer l'horizon fumeux et combien émou vant, de l'amont de Paris. Que si l'on se retourne, le quai d'Orléans et ses beaux hôtels et sa ligne d'arbres vous livrent tout de suite un paysage diversifié dont la dignité et la no blesse sont à l'opposé de ces quais réalistes, et qui ont l'air dessinés par un contemporain de Huysmans et de Raffaelli. Eh bien, ce paysage, nous ne le voyons que la nuit en allant prendre des trains à la gare de Lyon, dans la bousculade d'un dé part et la hâte folle d'un taxi. Nous nous disons, comme de tant de cho ses : « Il faudra que l'on y revien ne. » Et nous n'y revenons point. C'est à ces désirs trahis ou à ces fidélités oubliées qu'il faudrait dé dier ce jour gratuit, ce don bissextil, ce cadeau quadriennal. On n'a pas manqué de rappeler le mot de Rossini, qui, né un 29 février (en 1792), se flattait de n'avoir que le quart de son âge puisqu'on ne lui souhaitait son anniversaire que tous les quatre ans. Les dieux de février, cette fois-là, avaient bien fait les cho ses. A l'ordinaire, ils ne sont pas clé ments et février n'est pas un mois qu'il faille regretter. Je pense aux charmants vers de Toulet : Pâle matin de février, Couleur de tourterelle, Viens, apaise notre querelle, Je suis las de crier... Février n'a pas trop entendu le poète, nous l'avons bien compris de puis le temps où il écrivit ces Contrerimes. Guermantes....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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