Extrait du journal

M. Laguerre a excellemment parlé, en homme politique que la littérature passionne, en esprit hardi et clair, pour lequel Paris existe, en dehors du Palais de Justice et de la Chambre des députés. Il est monté à la tribune les mains pleines de documents, il a pu se mettre tout de suite à l'abri des grands noms de notre littérature, car il n'est pas un écrivain de quelque talent et de quelque fierté qui ne se soit révolté sous la vilaine besogne des censeurs. Du reste, il avait si beau jeu, cela est si étonnant et si comique, un gouvernement républicain qui maintient la Censure, après l'avoir attaquée sous tous les autres régimes ! Comme l'a dit l'orateur avec tant de force, nous avons toutes les libertés, liberté du journal, liberté du livre, pourquoi nous refuse-t-on la liberté du drame ? Quand on écrit un article, quand on écrit un roman, on est un citoyen comme les autres, responsable de ses acies .devant le droit commun ; et quand on écrit une pièce, tout change, on devient le sujet d'un pouvoir absolu, on est soumis au bon plaisir de l'examen préalable. Les raisons que l'on donne, la peur de l'étranger, l'émeute dans les salles de spectacle, le débordement de l'ordure, sont des arguments spécieux, sans consistance réelle, de ces lieuxcommuns dont on effraye les masses moutonnières. M. Laguerre a fait l'évidence, avec une finesse spirituelle, une limpidité,une autorité,qui auraient vaincu, si le vote n'avait pas été acquis à l'avance ; et je lui en ai une personnelle gratitude, que je suis heureux de lui exprimer ici....