Extrait du journal
* 'AUTRE soir, un papillon entra par ma fenêtre 1 ouverte. Pourtant, les fleurs de la chambre étaient J fanées, tes roses semblaient se consumer d'une ardeur qui appartenait à leur teinte sombre, autant qu'à la brusque chaleur de juin. Ét les pétales des dernières pivoines tombaient par moment avec un bruit mou. Sur la table où leur blanc bouquet défaillait on semblait avoir, ô sacrilège ! plumé un ange.... Mais le papillon inattendu n'était tenté que par la lampe. Vêtu modeste ment de teintes grises et beiges, un peu velu, un peu lourd sans être grand, sans être beau, il dessinait avec "talent des arabesques sur la soie, de l'abat-jour lumineux. J'étei gnis, afin qu'il pût regagner l'air' frais et nocturne... Il palpita •un instant sur les vitres avec cet entêtement des insectes qui ne comprennent rien à la transparencé, et puis il trouva la liberté et disparut. Une visite de papillon est devenue, dans une rue de Paris, très rare, et c'est pourquoi je fus charmée par cette imprévue politesse. Jadis, en été, en automne, cela arri vait plus fréquemment. Je me souviens de ce superbe papillon de nuit que cueillit, jadis, autour des premiers globes électriques de la rue Royale, un jeune auteur — devenu depuis lors fort illustre — et qu'il m'apporta. Je me souviens de ces nombreux papillons blancs et jau nes, qui hantaient les jardins du Trocadéro et qui, pares seux, prenaient fort souvent, en même temps que moi, ; le tramway. qui conduisait sur la rive gauche, sans doute parce qu'ils avaient des rendez-vous sur les parterres du Luxembourg. Voilà une dizaine d'années, en ce Luxembourg dont les fleurs si belles et groupées avec un art si fin ou'si resplendissant, sont un enchantement multicolore et toujour renouvelé, une étonnante éclosion de; papillons eut lieu. Sur tous,les dahlias, sur tous les asters de septem bre s'éployaient des ailes variées en nombre insolite. L'n vieux naturaliste contemplait auprès de moi le pro dige et s'extasiait. Les massifs de fleurs semblaient vrai ment avoir été parés de bijoux palpitants par un joaillier magique. Voici cinq ou six ans, à Bagatelle, toute une colonie de paons de jour éblouit les promeneurs patients et contemplatifs. Depuis lors, à Paris, je rencontre très rarement des papillons. Sans doute détruit-on les chenil les dont les jardiniers redoutent les voracités dévasta trices. Mais, sans chenilles, pas de papillons... Et, pour préserver les arbres, les feuillages, on prive le jardin d'une part de .ses beautés. Car nos papillons de France sont charmants et souvent très beaux. Moins vastes, moins écla tants que les splendides exotiques, ils ont des dessins, des couleurs, des émaux, des contours d'une grâce,-d'une perfection exquises. Qui n'a pas suivi de fleur en fleur ou dans une allée ensoleillée où il se chauffe, posé sur le sable, le; vulcain velouté dont brûle le coin d'aile en feu, ne connaît pas tous les charmes de l'été. Et le paon marqué d'astres nébuleux fait rêver, à propos des signes et des formes où se complaît particulièrement la nature créatrice. Papillons de Paris, qui animiez ses jardins, qui ne dédaigniez pas les maisons aux fenêtres larges, allez-vous disparaître ? Ne pourrait-on, tout en détrui sant les trop nombreuses et mangeuses chenilles, épargner celles qui promettent les papillons connus, dont les espè ces sont admirées, aimées ? "Le jardinier ne pourrait-il apprendre l'entomologie et à respecter la larve de laquelle naîtra le divin prodige ? Ou bien, en pourrait-on faire des élevages sélectionnés, en des serres spéciales, et faire au moment voulu, dans l'enclos privilégié, un « lâcher » de papillons ? Chaque jardin devrait, n'est-ce pas, avoir ses papillons comme il a ses ruches et ses abeilles, ses fleurs, ses fruits. Sans eux, la fête de l'été n'est pas tout à fait réussie, et dans nos jardins de Paris qui sont si plaisants et si bien entretenus, nous voulons pouvoir contempler, de-ci, de-là, un papillon, peut-être minuscule descendant de ces créatures chimériques qui régnaient sur l'univers avant les hommes et les villes, les avions et les machines, et dont la vue nous fait rêver à des temps mythologiques. • Gérard d'Houville....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - gérard d'houville
- wladimir d'ormesson
- léon jouhaux
- molander
- gunnar andersson
- lindberg
- larsson
- suhard
- daladier
- pres
- france
- espagne
- paris
- reims
- vézelay
- pontigny
- barcelone
- luxembourg
- chine
- allemagne
- banque de france
- r. s
- journal officiel
- la république