Extrait du journal
goûts, il fallait être né dans les siècles majestueux d'une monarchie olympienne, ne se soucier guère de l'utile, du produit des capitaux, et n'avoir rien autre chose à faire qu'k regarder passer un règne. — Aujourd'hui, quand on a seize millions disponibles, on fonde un Crédit mobilier, on perce un isthme, on va chercher du guano au Pérou-, on fouille le sol pour en extraire du charbon de terre ; quand on a doublé ses seize millions, on travaille k les quadrupler. Il arrive une fois l'an que le millionnaire est invité à une chasse par quelque prince ou quelque boyard fixé en France.—L'homme de cabinet, s'il ne peut refuser, conserve sbn habit noir et sa cravate blanche, suit la chasse pendant deux heures en voilure, rentre dans son appartement, reçoit son courrier, fait sa correspondance, se fait adresser les cours de la Bourse par dépêche élec-* trique, et, dès qu'il peut s'échapper, retourne dans son usine; voilk un des caractères saillants du siècle présent : Autrefois, il y avait des hommes qui eussent dérogé en travaillant 5 — d'autres qui, réduits à travailler, ne se soumettaient k cette nécessité sociale qu'en vue de se re poser un jour: — aujourd'hui, il n'y a pas de condition et pas d'opulence qui donne des loisirs. On ne sait plus ne rien faire — c'est un secret perdu. — Quelques-uns clisent qu'ils ne travaillent pas, mais qu'ils font travail ler leurs capitaux. — Charmants loisirs ! aimable indé pendance ! — Au lieu d'aller à un atelier on a un bu reau ; ceux-là vont k la Bourse le jour — k la Bourse encore le soir. Il leur faut, vingt fois par mois, vendre et acheter des papiers de" toutes couleurs — tendre leur esprit à tous les calculs de la politique et de la spécula tion, et se tenir toujours en permanence sur le marché. — Ils n'oseraient passer trois jours à la campagne, de peur de perdre un bon cours. — S'ils rencontrent dans les yeux d'une femme jeune et belle cet appel confus et étrangement instinctif, qui révèle au premier regard une attraction réciproque, ils s'en détournent de peur de s'engager dans un roman et de perdre du temps. Mais de quel temps s'agit-il, mon Dieu, et que veulent dire ces gens-là? — Est-ce que, en dehors de l'existence moyenne et commune, l'argent donne k quelques privi légiés une vie supplémentaire et réservée ?.— Mais non, — sauf quelques splendeurs de corbillard qui sont l'apa nage dela première classe, je les vois aller comme des goujats au rendez-vous universel. — Parfois, les hommes engagés dans cette vie fébrile et sans trêve rencontrent un des sages de ce monde, quelque artiste insouciant, n'estimant l'argent que pour ce qu'il représenle d'indé pendance, et alors ils lui disent naïvement: «Vous êtes plus heureux que nous— vous n'avez pas le sou —...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - etranger
- g. bourdin
- chantilly
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- compagnie des indes