Extrait du journal

Voilà déjà un certain nombre de scrutins académiques dont le dépouillement ge terminait régulièrement par cette mention : « M. Leconte de Lisle : 1 voix». Celte voix était celle de Victor Hugo. La flatteuse persévérance du grand poète n'a jamais gagné des renforts à ce Suffrage considérable, mais unique. Quant à M. Leconte de Lisle, le sentiment hautain qu'il a de sa valeur a suffi, jusqu'ici, à le tenir à l'écart, orgueilleux Bt solitaire, de tout effort, je dirai même fie toute démarche vers l'Académie. Victor Hugo votait pour un confrère qui avait dédaigné de poser sa candidature. 0n assure que M. Leconte d.e Lisle consent aujourd'hui à la poser. Il n'a pas changé pour cela. Ce qui a changé, c'est la composition de l'Académie où viennent d'entrer, en l'espace de deux années, les deux plus fervents admirateurs, - ils disent même poliment: disciples, -du maître. M. Sully-Prudhomme et M. François Goppée, qui sont gens d'assez de coeur pour s'exagérer à l'occasion la reconnaissance, éprouvent une gêne délicate à siéger dans une compagnie où ils auraient souhaité être reçus par M. Leconte de Lisle. Certainement, ils doivent à M. Leconte de Lisle. Ils croient lui devoir beaucoup. Leurs voix, jointes à celle de Victor Hugo, qui ne lui doit rien, forment aujourd'hui un groupe résolu. C'eût été faire injure à cette résolution ijue de refuser plus longtemps de tenter la fortune académique. C'est bien plutôt pour ne pas désobliger ses amis que par goût personnel que l'auteur des Poèmes barbares descendra de sa cime solitaire afin d'entreprendre, à pied, les visites d'usage....