Extrait du journal
On ne peut comparer qu'à celle des ma réchaux du Premier Empire la surprenante fortune de la pièce de cent sous. Naguère humble et populaire, hier encore réduite aux simples emplois domestiques, la voici promue par la crise de l'or au rang de monnaie de graiîd seigneur. Elle a quitté les braves porte-monnaie de cuir, le coin noué des mou choirs à carreaux. Glorieuse, un peu parve nue, elle enfle de son importance la poche im peccable des gilets blancs. Du comptoir de l'épicier, du modeste tiroir-caisse, elle a passé tout de go aux restaurants de nuit, aux bou tiques de luxe. Prête à tout, bon enfant, elle est restée joyeuse et sonore. Elle ne se sent pas plus étonnée parmi les élégances, que Mme Sans-Gêne ne le fut chez les princesses. Elle reste joviale. Son tintement a un peu l'accent dU:Midi. Elle se carre à la place conquise. Soucieuse d'être remarquée,, elle sonne da.ns les poches comme les grelots d'une mule castillane. Si elle se sent maniée par des doigts dédaigneux, elle se révolte, s'é chappe- et va rouler sous • quelque meuble avec un grondement de bonne colère faubou rienne. * i : • . C'est pour cela sans doute qu'entre les hautes laines d'un tapis d Orient, j ai recueilli hier une pièce de cent sous. Une lueur avait révélé sa présence. Etait-ce un éclair d'indignation, ou seulement un rayon de lumière oblique qui jouait sur sa face polie ? Comme ceci se passait durant cette se maine . de l'année où les choses s'animent et parlent, où les cheminées distribuent aux enfants des récompenses et des conseils, où pantins et poupées causent en leur langage,où les soldats de plomb mobilisent à la voix dçs panoplies, la pièce de cent sous que je 'tenais dans ma main participa de l'universel miracle et voulut bien causer avec moi. — Pourquoi, monsieur, me dit-elle, gens du mondé ët bourgeois lé prennent-ils de'si haut avec moi ? Pourquoi m'empoche-t-on de façon discourtoise? On me donne sans plaisir, on me reçoit sans bonne grâce, on m'économise d'un ' air dégoûté. En vérité, j'entendis souvent ré péter que l'orne fait pas le bonheur ; j'espé rais que l'argent serait plus heureux. Mais il en va tout de même... »,La déception m'est sensible. Lorsqu'aux premiers, fracas de l'Orient belliqueux on vit les louis d'or s'enfuir de toutes parts, s'abri ter comme en des citadelles au fond des coffres-forts, filer à l'étranger, donner en somme l'exemple, d'une honteuse poltronnerie et du plus fâcheux pacifisme, nous nous ré jouîmes, mes sœurs et moi. Nous nous élan çâmes, par colonnes, au front de bataille, c'està-dire aux, guichets, des banques, riant de notre rire clair, volontaires en argent, vaillan tes comme autrefois les volontaires en sabots. La mobilisation des pièces de cent sous fut aussi allègre que celle des Lorrains d'Arracourt. Nous garnîmes les postes abandonnés, nous parâmes aux défections. Partout où l'or se repliait, nous avancions, bouchant les vides. Vous n'ignorez pas sans doute que, durant la nuit du Réveillon, le Père Noël, ce vieux co cardier, avait accepté du gouvernement une besogne de confiance : ce fut grâce à lui que toute personne qui, ayant de se coucher, avait ce soir-là laissé sur son bureau ou sa table, un louis de 20 francs, ne retrouva le lendemain à son réveil que quatre pièces de 5 francs toutes neuves. --;»-Nôus àvons acccompli notre mission, as-...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - ribot
- poincaré
- lépine
- lagrange
- etranger
- poin
- bourgeois
- provence
- millerand
- lavedan
- paris
- turquie
- france
- europe
- bourgogne
- londres
- asie
- sofia
- salonique
- lon
- drouot
- parlement
- sénat
- union postale
- présidence de la république
- la république
- casino de monte-carlo