Extrait du journal
Une étrange nouvelle est jusqu'à nous venue. Mais, au même moment, ne l'avez-vous pas lue î Vous savez donc qu'un ingénieur vient' d'inventer une étonnante cuirasse. Elle n'est pas en cuir, malgré ce nom de cuirasse ; mais il y a beau temps, belle heure, belle heurette ou, comme l'on dit, belle lurette que le métal, pour protéger les combattants, a remplacé la peau des animaux. Cette cuirasse est d'ailleurs en verre. Je le pense. Je ne l'affirme pas. Mais ce dont je suis sûr — ou, du moins, je suis assuré qu'on nous le dit — c'est qu'elle est Un miroir ; et si elle sait envelopper l'homme de la tête aux pieds, il se trouve aussitôt invi sible, par la bonne raison que toute sa surface reflète le paysage environnant. L'adversaire, loin-dé( démêler l'ennemi qui la porte, contemple en elle des feuillages et des troupeaux. Ima ginez, dans,,un., bois,, .cent hommes ..habillés de la-ïortêfau clair de lune, et c'est, Vos yeux, la forêt qui marche, ô Shakespeare, tandis que frémit cette lumière gris de perle, et fa meuse. qui descend sur la cime • indéterminée des forêts... La petite troupe suit-elle un large chemin... Vous haussez les épaules ? Vous. ré pondez avec scepticisme : « Un miroir qui se promène sur une grande route est un roman ! » Mais à ces mots : « Tout beau ! téléphonerait de Grenoble M. Henri Martineau, penché sur les trésors de Stendhal. Respectez ■ le texte et dites : «Un roman est un miroir qui se pro mène sur une grande route. » C'est dans Le Rouge et le Noir. Mais supposez que l'ennemi se sache aussi vêtir de pareilles glaces : les guerriers des deux armées, pensant marcher en de paisibles clairières, ne' se verront qu'à l'instant qu'ils seront tout mêlés, en un horrible fracas de verre brisé. N'y touchez pas. Nous aussi, par cette vie quotidienne, nous nous habillons souvent de miroirs. La politesse nous y convie, et je veux dire que nous glissons en nos paroles, en nos sourires, en nos gestes, les sentiments que nous devinons: en celui ou celle qui nous parle. Nous les reflétons, afin que, se retrouvant en nous, ils nous jugent aimables. Leurs soucis deviennent les nôtres ; leurs plaisirs fleurissent en nos yeux. Us nous voient éprouver leur joie ou leur colère. Nous devenons miroirs tant nous aimons à plaire. Nous nous effaçons ; car est-il ' rien dé plus modeste qu'un miroir ? On ne le voit jamais. On ne peut considérer en lui que ce qu'il n'est pas. Penchez-vous sur son cristal, pour le mieux observer : vous ne verrez que vous-même. Tristan Derème....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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