Extrait du journal

Par LOUIS BERTRANb Une rumeur sinistre a circulé ces derniers temps. Il était question d'en finir avec le roman, des brutaux disaient même de « lui casser les reins » ! Pure rodomontade. On ne casse les reins qu'à des gaillards capables de tenir le coup. Dieu merci, le roman est toujours debout et même il se porte assez bien. Un des grands maîtres du roman français, mon éminent con frère et ami Paul Bourget, me disait il n'y a pas bien longtemps : — Il ne faut pas abandonner ce bel art du roman !... Il me disait cela parce que, déjà, des bruits précurseurs annonçaient de ténébreux complots contre cet admirable genre littéraire. Le roman en'a vu bien d'autres. Il se rit de tous les mau vais desseins. Tant qu'il y aura de grands en fants, avides d'histoires merveilleuses, ou sim plement amusantes, ou des désœuvrés qui cher chent à passer le temps, il y aura des conteurs et des romanciers. Et dès qu'un homme de génie, ou de j*rand talent, aura paru, qui, à l'aide d'une fiction romanesque, nous décou vrira des sources nouvelles de sensibilité, ou qui renouvellera les formes de l'imagination, qui nous introduira dans des régions inconnues d u inonde ou de l'âme humaine, le roman, peut-être un instant éclipsé, reprendra sa place parmi les plus hautes manifestations de l'art littéraire....