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Le Figaro, 30 octobre 1888

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Le Figaro
30 octobre 1888


Extrait du journal

pavé de Paris un homme bien intenionné et très décidé à manger plusieurs centaines de mille francs à protéger, la musique ; il forme une troupe, loue un théâtre, ramène de Bruxelles quelques partitions condamnées à la déportation et convie tout Paris à la soirée d'inauguration. La petite fête a eu lieu il y a quelques semaines rue de Malte, avec la première représentation de Jocelyn, de M. Benjamin Godard, compositeur qui fait son petit Gounod et dirige luimôme l'orchestre ; M. Senterre a été aussitôt traqué par l'administration. Un commissaire de police a surgi pour lui signifier qu'il eût à changer le titre de son théâtre qui était : Théâtre Lyrique National. Ledit commissaire lui a enjoint de retirer le mot national. -Cependant, a objecté le directeur, je joue un compositeur français ; je fais chanter des artistes français ; tout est national chez moi, depuis le contrôleur jusqu'à la contrebasse. National encore est le marchand de billets et le chef de claque. Pourquoi alors mon théâtre ne peut-il pas s'intituler national ? - Parce que, lui a répondu le commissaire, on n'est national en France qu'à la condition de manger un peu d'argent à l'Etat. L'Opéra est national, l'Opéra-Comique l'est aussi, mais comme vous opérez à vos seuls risques et périls, vous n'êtes pas national. Si vous voulez le devenir, faites demander cent mille francs de subvention et vous le serez 1 Porel, qui fait jouer la musique: de Mendelssohn, est national. M. Ritt et M. Gailhard sont chacun demi-national, ce qui fait une totalité pour les deux. M. Paravey est tout ce qu'il y a de plus national. Mais vous, Senterre, qui ne demandez pas un sou au pays, vous n'avez pas le droit de vous dire national, parce que vous ne l'êtes pas ! Cachez donc ce mot que mes yeux ne sauraient voir sur la façade d'un théâtre qui ne nous coûte pas un rouge liard....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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