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Le Figaro, 30 octobre 1903

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Le Figaro
30 octobre 1903


Extrait du journal

M. le sénateur Piot, s'il était allé hier matin faire un tour à la mairie de la rue Drouot, au rait été, à bon droit, satisfait. De onze heures à midi, on y a — suivant la pittoresque ex pression du garçon de salle — « abattu ■> plus de quinze mariages. Si, de ce train-là, la re population ne fait pas de progrès, c'est vrai; ment à désespérer de notre belle France. Au moins, Français et Françaises n'auront-ils pas de reproches à se faire. En effet, cette fournée matrimoniale n'avait rien, paraît-il, d'exceptionnel. Tous les jeudis et tous les samedis, on peut voir ce même spectacle à la mairie de la rue Drouot et très probablement aux autres mairies de Paris. C'est, dans la grande cour, sous l'œil paternel' de deux sergents de ville, un va-et-vient in cessant des traditionnels landaus dont quel ques-uns affectent des formes préhistoriques et sont traînés par de pauvres haridelles qui, quoique pomponnées de blanc, n'ont vraiment pas l'air d'être à la noce. Ces mariages-là, si abondants et si vite ex pédiés, sont ce qu'on appelle les « petits maria ges» : unions de modestes employés avec d'aimablés ouvrières ; de valets dç chambre ou de pied avec de gentilles femmes de chambre ou d'accortes cuisinières ; de'gens de maison de toutes sortes épousant de charmantes camà'rades rencontrées dans l'incessante familia rité de l'escalier de service. Unions plus ou moins bien assorties, mais où l'intérêt, eh tout cas, ne joue aucun rôle et où chacun n'apporte en dot que sa bonne volonté et son travail. Les mariés sont en redingote, la boutonnière ornée de la sacro-sainte brindille de fleur d'o ranger. Les mariées ont une petite robe de lainage blanc que recouvre un long voile re tenu par la blanche couronne symbolique. , Tout ce'monde, très emprunté dans ses ha bits de fête, a cependant l'air heureux, de cette franche gaieté exempte de calcul. Sur aucune de ces figures joyeuses il n'y a la préoccupa tion du contrat de mariage, et il importe peu à ces braves gens d'être mariés sous le régime dotal ou sous celui de la communauté. Pourvu qu'on les marie, c'est l'essentiel. Et l'excellent adjoint de la mairie, ceint de son écharpe tri colore et arborant fièrement une belle rosette d'officier de l'instruction publique, expédie ses dix ou douze mariages à l'heure avec l'admi rable tranquillité d'un homme qui n'a que cela à faire dans sa matinée. Il ne perd pas son temps en vaines paroles. Un petit signe à l'huissier de service, et l'huis^ sier appelle d'une voix forte : — Le mariage Durand ! Et le mariage Durand, disséminé dans l'an tichambre voisine, où toutes les noces fusion nent, se reconstitue en hâte et s'avance ma jestueusement au milieu des autres mariages qui font la haie en attendant leur tour. Cha cune de ces noces n'a d'ailleurs pas plus d'une quinzaine d'invités. Quand tout le monde est assis, le bon adjoint lit les articles du Code, qu'il sait par cœur, s'assure du consentement des mariés, les fait signer avec leurs témoins et, avant même que l'encre ne soit séchée, il fait un nouveau signe à l'huissier qui, de sa même voix forte, appelle : — Le mariage Dupont ! Et le-mariage Durand, en sortant, rencontre le mariage Dupont qui entre. Et lorsque, à son tour, le mariage Dupont sortira, il se heurtera à quelque autre mariage s'avançant avec le même cérémonial. C'est ainsi jusqu'à midi et demi, heure où l'adjoint s'en va déjeuner, tan dis que toutes ces noces, après avoir, comme de juste, passé par l'église, se répandent ellesmêmes dans de petits restaurants de banlieue où elles boivent des vins bizarres en chantant des gaudrioles. C'est la sortie de la mairie qui est particu lièrement curieuse. L'encombrement est tel que plusieurs noces sont obligées, souvent de„...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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