Extrait du journal

l'histoire périodique de la « jeune femme du monde » qui se décide à entrer au théâtre et dont on annonçait jencore ces .jours-ci les prochains débuts à l'OpéraComique. Voilà pîusieûrS' années que -nous sommes menacés à la scène d'une femme du monde qui doit nous étonner autant par ses armoiries que par l'élégance de ses manières. Afin qu'il soit bien constaté que la dame en question appartient à la plus haute société^ on se murmure dans les journaux de théâtres, que la famille s'est jetée à ses genoux et traînée à ses bottines, afin de la détourner de son projet grave leux. On voit bien la famille allant en dosser toutes les armures de la maison pour dire à cette jeune déclassée: , -—Au nom du ciel, tu descends des Montmorency, songe à tes aïeux. Il est impossible que tu joues le rôle de la soubrette dans Bonsoir, monsieur Pan talon. ...... J'ignore absolument de. quelle femme du monde il s'agit actuellement, mais je me joins â sa famille pour lui conseiller de laisser sou plan inachevé. J'ai entendît quelquefois des femmes du monde chan ter des morceaux d'opéra et j'ai remarqué que la bonne éducation n'avait aucune influence sur les fausses notes. J'ai vu des femmes du monde jouer des comédies à deux personnages, et je déclare que j'aurais bien voulu m'en aller. Quand une artiste a du talent, qu'elle soit ou non ce qu'on appelle du monde, la question est éminemment secondaire. Si le prince de La Tour et Taxis, dont ou annonce également les débuts, ne répond pas à l'attente du public, nul doute qu'il ne soit reconduit comme le dernier des fils de concierge. Quand mademoiselle Delaporje a joué le rôle de Janine dans les Idées de Madame Aubray, personne n'a songé à se demander si elle était plus ou moins du monde. J'ai assisté hier soir à la représentation du Barbier, où mademoi selle Patti, cette merveille des merveilles, a soulevé des tempêtes de bravos. Elle/ serait alliée aux Guéménée, que son im-! mense talent n'y gagnerait absolument rien. Du reste, quand une dame se met au piano et offre à ses invités une demi heure de crispations, il se rencontre tou jours dans la société quelqu'un pour dire : — N'est-ce pas que c'est très bien pour une femme du monde ? Ceci tendrait à établir que les femmes qui sont du monde ont moins d'intelli gence que celles qui n'en sont pas. Il en résulterait que le talent est en raison in verse de l'élévation delanaissance.il n'eu est rien, j'en suis absolument convain cu; mais voyez, si on n'y prenait garde, à quelles conclusions révolutionnaires pourraient condure ce raisonnement,chez un peuple déjà abruti par les somnam bules et les zouaves guérisseurs. Henri Roehefort....