Extrait du journal

C'est manquer un peu de pudeur de se faire des compliments en fa mille; pourtant je ne résiste pas au plaisir d'avouer la satisfaction que j'ai ressentie à trouver la lettre de S. M. la reine Mary en première page du Figaro. Ailleurs, elle est escamo tée, ou égarée dans un coin, comme une prose négligeable. Que voulezvous : nous sommes si heureux de retourner à nos discordes, à nos criailleries, à nos aigreurs ! Après l'effort d'information accordé aux fu nérailles d'un roi, l'actualité, grâce au ciel, revenait hier à notre vie po litique et ces remerciements d'une reine à son peuple pouvaient passer inaperçus ! Or, de tout ce qu'il nous a été don né de voir, d'entendre ou de connaî tre sur la mort de S. M. George V, la lettre de la reine Mary me paraît être l'un des traits les plus émouvants de ce.deuil. Parce que cette lettre de re merciements est d'une remarquable simplicité; parce que, après tant de formules — d'ailleurs magnifiques pour la plupart — empruntées à un cérémonial séculaire, ces mots-ci ont l'accent le plus direct et viennent du cœur ; et parce qu'ils traduisent des choses fortes et simples : « Bien qu'il 11e soit plus à mes côtés — et aucun mot ne saurait exprimer com bien sa présence me manquera — j'espère qu'avec l'aide de Dieu je pourrai continuer à rendre, tout au moins en partie, les mêmes services 'que pendant quarante-quatre années de vie conjugale heureuse nous nous sommes efforcés ensemble de rendre à ce grand pays... » Comment mieux dire qu'on s'est employé à deux à faire son devoir et que le bonheur s'est installé tout naturellement dans cette collaboration ?...