Extrait du journal

LA POLITIQUE M. Leygues, ministre de l'instruction publique, jadis poète, a, dans son dis cours au Concours général, déclaré que « la Montagne Sainte-Geneviève devient » triste » et il a invité les jeunes gens à s'amuser. (Ohé 1 Ohé I) ; Cela part d'un bon naturel, mais si le quartier Latin est sérieux (l'est-il tant que cela, au fait, et Bullièr est-il abso lument déserté?),c'est que la vie contem poraine n'engage point à la gaieté. Jamais la lutte pour l'existence ne fut plus âpre. Les pauvres, ceux qui ont à faire leur carrière, rencontrent partout une concurrence-furieuse. Nous sommes dans le siècle des brevets; tout le monde en veut, tout le monde en a, très peu eh profitent/Chaque profession est obstruée d'un sextuple rang de candidats tous également méritants et capables de s'y. distinguer. Quant aux riches, aux fils à papa, ils ne peuvent réprimer un rien de mélancolie en voyant chaque année se restreindre lé revenu sur lequel ils comptaient depuis qu'ils avaient' l'âge de raison. Il faut pour féussir dix fois plus de mérite, dix fois plus de recommanda tions, dix fois plus de chance qu'on n'en demandait autrefois. Dans l'ordre moral, il est plus difficile encore de trouver des raisons de se ré jouir. Les anciens principes sont ébran lés, les vieux autels écroulés, les cultes d'autrefois discutés et niés sans qu'on apporteàl'humanitéahuriedçscroyances nouvelles et des principes au-dessus de toute contestation. On est obligé d'en rayer la liberté; l'égalité n'aboutit qu'à la haine des supériorités et au mépris des situations acquises. Quant à la fra ternité, elle a bien du mal à s'installer entre les hésitations d'en haut et les ré sistances d'en bas. C'est la faillite de la dévise nationale. Remarquez que je ne parle pas de l'anarchie. Grâce à la loi dont M. Leygues et ses collègues (rime riche : collègues en manquait) ont pris l'initiative, nous sommes complètement débarrassés de cette anecdote : cela est certain. Je sais bien qu'il y a des compensa tions, qu'on peut devenir député et, si l'on à dé* belles relations, ministre, ou simplement cantonnier si l'on ne connaît que la cousine de la bonne d'un électeur influent. Mais ces compensations ne peuvent s'étendre à tout le monde, et la plupart des jeunes gens, même ceux qui sortent triomphants du grand concours, se trouvent en présence d'un ciel vide et d'une société en démolition. II n'y a pas là de quoi être très gai, si l'on n'est pas doué d'un tempérament spécialement optimiste et si l'on ne voit pas devant soi un chemin tout tracé par le hasard. . N'accusons donc pas ce pauvre Schopenhauer, ciui d'ailleurs fut gai, grâce sans doute à son bon estomac, et puis qu'il put vivre pendant des années à une table'â'hôte d'auberge. Le monde n'est pas à la joie ; il ne faut jamais désespérer, d'abord parce que cela ne sert à rien. Mais si la jeunesse est un peu morose, elle a ses raisons pour continuer à l'être. — P. M. LA TEMPÉRATURE Les dépressions orageuses signalées hier sur le nord de la France gagnent les Pays-Bas. A Paris, le baromètre est en hausse sur la veille (760mm), Vent d'ouest modéré sur la Manche et la Bretagne.-Température, hier, à Paris : 14° 1/2 le matin ; 170 à dix heures; 22® à midi; 18° à deux heures. Le temps va s'améliorer dans l'ouest ; il reste aux averses dans le nord. Hier, journée assez belle, ciel nuageux ; le soir, thermomètre, 200; baromètre, 759mm....