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Le Figaro, 31 octobre 1908

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Le Figaro
31 octobre 1908


Extrait du journal

Il nous semblait, en effet, très jeune, à une époque où notre puérile confiance nous faisait croire que toutes les choses qui nous entouraient venaient à peine de naître et s'étaient, en même temps que nous, manifestées sous le soleil. A cette époque heureuse, nous avions l'agréable sentiment d'inaugurer la vie. Nos professeurs d'histoire eux-mêmes, en nous enseignant la terriblement vieille aventure de l'humanité, ne réussissaient pas à nous persuader que le monde fût beaucoup plus ancien que nous. Dante Alighieri a appelé Vita nova, « la vie nouvelle », ses années enfantines. Ainsi, Guignol était nouveau quand nous étions enfants. C'est pour cela qu'il nous paraît un peu mélancolique d'apprendre que Guignol a déjà cent ans Mais n'a-t-il que cent ans ?. C'est Tau*tre surprise qui, soudain, nous frappe. Cent ans seulement, Guignol?. Et, aussitôt, il perd, à nos yeux, un peu de son prestige. Il nous semblait que Guignol dût être à peu près du même âge que l'hù-, manité. Pourquoi?. C'est qu'il y a, en lui, quelque chose d'éternel. On ne se figure pas que Guignol ait jamais commencé on ne se figure pas une époque où il n'y avait pas Guignol, une époque misérable, sauvage et affreuse où la vie ne possédait pas ce divertissement. Et, au fond, c'est la vérité. Guignol lyonnais a cent ans c'est un gamin. Mais Guignol '1 est immémorial. On peut noter les éjjir sodes les plus récents de ses voyagejs, comment il s'installa, par exemple, à Lyqjîi, ou bien à Paris, à Naples, ou bien ailleurs. Ses véritables commencements, ses origines émouvantes échappent à: notre investigation, même pédantèsque;. Il !la voyagé comme les dieux les plus admirables qui aient occupé la pensée humaine. Il a eu des migrations analogues à celles d'hçchos, que les Latins appellent Baccnus et qui est à la fois le plus pathétique et le plus gai des démiurges. Guignol, pareillement, a couru le monde, conquérant et baladin, maître d'allégresse et de plaisanterie, prodigieux personnage, absurde "et" charmante caricature....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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