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Le Fin de siècle, 3 octobre 1897

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Le Fin de siècle
3 octobre 1897


Extrait du journal

Mais l’infidélité en amour est tout de même un non-sens. L’attrait d’une caresse nouvelle, l’en vie d’une luxure qu’on désire et qu’on se figure exceptionnelle, ne procurent souvent que des désillusions. Le bon pot-au-feu amoureux, c’est encore ce qu’il y a de mieux. Un musicien qui jouerait de trentesix instruments, les uns après les au tres, ne serait pas aussi habile sur cha cun d’eux que s’il s’était spécialisé dans l’art d’un seul. Votre maîtresse, c’estun instrument, c’est un très délicat instrument d’a mour; si vous savez vous en servir, si vous étudiez bien toutes les nuances de ses qualités, vous parviendrez un jour à extraire de ses vibrances telles harmonies passionnelles si exquises que vous serez étonné de les avoir ob tenues. Je vous entends, d’ici, répondre en souriant d’un petit air malin, que ce n’est pas déjà si embêtant de boire une goutte de volupté défendue. Hé! hé! dites-vous, une aventure imprévue, qui se présente bien, avec une femme qui promet de la joie, qui a des yeux comme vous les aimez, une bouche comme vous les rêvez, des hanches qui sont harmonieusement arrondies... On ne crache pas sur ces bonnes fortunes-là, surtout quand on sait qu’il n’y aura pas de scandale ou d'indiscrétion. C’est tentant, je le sais bien. Et j’ignore absolument si je serais assez sage pour refuser l’aubaine. Le men songe amoureux, un petit accroc au contrat, quand ça ne doit pas se voir, ce n’est pasun très gros péché : le péché se mesure à ce qui se voit de l’accroc. Mais, ici, je fais comme ce docteur qui empêche ses malades de fumer même une seule cigarette, et qui en brûle lui-même vingt-cinq par jour bien qu’il ait l’estomac en déplorable état. Et c’est pourquoi, sans qu’il soit utile de vous dire ce que je ferais, je vous conseille de ne pas tromper votre maîtresse et de refuser la bonne for tune. Tromper la maîtresse qu'on aime, c’est se voler soi-même, c’est se trom per soi-même, puisque l’effort dépensé, quel que soit le résultat, n'aura jamais donné autant de plaisir que l’on en aurait obtenu avec sa maîtresse. Quand on possède son idéal, — la maîtresse doit toujours être l’idéal pour l’amant, — pourquoi s’amuser à cher cher de la volupté en dehors de cet idéal de volupté? Vous rappelez-vous ce mot?Il vous a été dit par notre chère amie, ma colla boratrice l’Aïeule : « — Je ne pense pas à tromper mon amie, dit le marquis, parce que je suis persuadé que j’imiterais ce fou qui, ayant des vins merveilleux dans sa cave, préfère aller s’empoisonner avec les abominables piquettes des cabarets. » C’est effrayant de vérité ce mot raconté par l’Aïeule. Et voilà qui doit faire réfléchir ceux de vous, chers lec teurs, qui trompez vos jolies et mi gnonnes maîtresses, avec les n’importe quelles grues qui traînent un peu par tout, avec les n’importe quelles toquées qui sont prêtes à toujours s’offrir, qui ne sont à personne, qui sont à tout le monde, qui ne savent, uneheureavant, à quel mâle elles appartiendront, et qui vous disent : Je t’aime! comme elfes l’auraient dit au premier bonhomme venu. ... Pourtant, l’infidélité a des char mes quand on commet ce délit mignon avec une belle demoiselle, comme il y en a tant partout... Victorien DU SAUSSAY....

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

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