Extrait du journal

Elle passe, telle une vision, dans la féerie des ballets, aérienne, voluptueuse, séduisante comme les sylphides ou les sirènes dont la troublante apparition allumait dans les cœurs des amours mortelles. Ce n’est plus une femme, c'est presque un ange. Tout son corps, gracieusement moulé, si souple, si félin, semble se livrer en de lascifs abandons. Les yeux possèdent sa chair, toute, et jouissent de cette imaginaire possession. Ils caressent, avec passion, les jambes nerveuses dont les muscles se gonflent sous les regards, puis les cuisses qui ont de si lascifs frémisse ments. Rien n’échappe à la douceur des yeux qui glissent, qui baisent, et qui brûlent : Ni les bras, ni la poitrine, ni le creux de Vaisselle, avec sa toison d’or bruni ou d’ébène luisant, ni la gorge qui palpite et semble offrir aux lèvres des spectateurs ses deux coupes capiteuses. La transparente soie des maillots dévoile aux yeux hypnotisés tout le poème de la chair de femme, en ses plus intimes secrets. Et de soudaines passions, de violen tes rages s’éclosent dans les cerveaux, alanguissent les mâles; et tous, râlants, anéantis, s’épuisent, sur leurs fauteuils d’orchestre, en des désirs, en des rêves impossibles... Ils voudraient s’accrocher à ces vi sions qui tournoient, se coller à ces chairs miroitantes, les étreindre, les sentir s’animer sous les plus fous bai sers... Puis soudain le rideau tombe. Les rêves, peu à peu, s’effaçent, et vient l’amer, l’inévitable désenchantement....