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Le Fin de siècle, 10 octobre 1891

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Le Fin de siècle
10 octobre 1891


Extrait du journal

ches ardeurs de vieilles maîtresses habituéesaux plus rudes assauts. Toujours prêt, se surexcitant, mettant un point d’honneur à se comporter brillamment, le jeune homme en quelques années épuise ses forces physiques, ses vail lances morales. Il se repaît de la chair de femme, jusqu’à l’écœurement. Et quand il a ainsi ravagé ses jeunes amours, gaspillé le trésor de ses ten dresses, il se marie. Il prend une jeune fille, l’exige vierge, et la veut à cet âge où les sens dorment encore. La jeune fille, à vingt ans, n’a, d’ha bitude, que de vagues curiosités, de félines perversités, rapidement satis faites, après les déceptions d’une gla ciale nuit de noces. La fleur de sa chair ne s’ouvre pas encore. Peu à peu, de vingt-cinq à trente ans, la floraison s’accomplit dans toute sa rayonnante splendeur. Mais alors, le mari songe bien cueillir cette rose, dont les premiers parfums ont une si chaude ivresse. Usé jusqu’aux moelles, incapable de fournir les caresses désirées, il n’a plus en tête que les passions banales, germées après trente ans, aux masculins cerveaux. Et la jeune femme, tourmentée peu à peu par des sensations nouvelles qui la brûlent, la dévorent, lorsqu’elle a compris que le mâle seul peut apaiser la fièvre de son corps, et tristement constaté l’afl'aissement du mari, se ré sout à écouter les douces propositions des amants rôdeurs. Elle se révolte contre ses pudeurs, contre les vieux principes d’honneur, inculqués par la famille. Pourquoi donc se refuserait-elle à connaître les seules vraies joies de l’existence ? Est-ce parce qu’avant le mariage, 'époux se rassasia, et donna à des cen taines de maîtresses toute la fougue de ses baisers, toute la chaleur de sa chair ? La jeune femme, dont tout le corps frissonne et palpite, ne peut résister plus ongtemps aux pressantes sollicitations qui l’enveloppent jour et nuit. C’est alors qu’elle choit, passionnément ar dente, en les bras de celui qui a su prévoir le moment où toutes les psychologies défaillent en de voluptueuses angueurs... Votre femme, mon pauvre ami, de puis quelques mois déjà, venait d’at teindre cette passe orageuse de la tren tième année. Elle a sombré sous les vagues de l’amour. Est-elle bien seule coupable. Faites un examen de conscience... Non, n'est-ce pas, vous n’avez rien fait pour être l’aimé à cette heure où la femme appelait un amant. A votre cercle, vous passiez vos soirées. En rentrant, harassé, vous vous endormiez, lourdement, tandis qu’à vos côtés une chair jeune palpitait. Vous l’avouez, n’est-ce pas?... Que dites-vous... Honneur !... vertu!...Mais votre pauvre mère, grondant douce ment, vous les faisait sonner à l’oreille, comme un tocsin d’alarme, ces mots, lorsqu’à vingt ans vous découchiez et débauchiez ses bonnes ! L’écoutiez-vous alors.Gaillardement.pour vous excuser, vous vous accordiez les circonstances atténuantes de ce vieux proverbe : Ventre affamé n’a point d’oreilles! Eh bien! votre femme elle aussi a eu faim!.. L’appétit ne vient pas à tous à la même heure. Et c’est heureux pour les jeunes filles. Celles qui ont l’impru dence, à vingt ans, d’ébaucher une idylle avec leur cousin, si l’aventure s’ébruite, sont, les malheureuses, aussi tôt délaissées. Il ne leur reste plus, pour refuge, que le couvent ou le trot toir!... Vous êtes trompé, mon ami. Vous n’êtes pas le seul. Tous les hommes le sont, toutes les femmes aussi. C’est la loi de la nature. Il faut bien se ré signer à ces mésaventures, auxquelles bêtement les hommes lient leur hon neur, leur dignité, leur bonheur. Voyons, est-ce là, si bas, que 1 on devrait placer de pareils sentiments ?...

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

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