Extrait du journal
sions nouvelles, vivant pour la joie saine des puissants baisers et des larges cares ses, il semblait personnifier le Roméo de toutes les femmes belles. Il aimait toutes les femmes. Je l’ai vu baiser les doigts d'une petite vieille mendiante, et comme on lui demandait pourquoi : « Il est donc si extraordinaire, dit-il, de baiser un bou quet fané ! Vermeilles ou flétries les fleurs sont toujours les fleurs, pucelle ou décatie une femme est toujours une femme et la femme a toujours ses droits. » Nous sommes bien loin de cette cour toisie aujourd’hui, puisqu’on a vu der nièrement des hommes du monde, des goujats, insulter une femme sur une scène publique. Il faisait un temps splendide. Le soleil, chauffé à blanc, se promenait au-dessus de nos têtes, et de la mer, peu éloignée, venait une brise Acre et énervante. Nous étions une vingtaine et j’étais la seule femme ; tous, nous ouvrions les narines comme des insensés avides de plaisirs. Un jeune lieutenant de zouaves se sou vint tout à coup que nous étions juste ment au jour de la Mi-Carême. — Nous ferons la fête, dit le prince. Peu de temps après on se remit en route,et nos chevaux reposés escaladèrent un sentier qui conduisait à un grand vil lage kabyle. Par prudence, on üt une visite au chef du village qui, d’ailleurs, no parut pas fort enchanté de nous voir ; il nous pro mit cependant des musiciens, des joueurs de flûte et des tambourineurs, avec la liberté de faire comme il nous semblerait. Maintenant que je vous ai décrit la scène et son paysage, j’en vais arriver au draine passionnel qui m’a tant émue et «lui, j’en suis sûre, n’est pas une exception dans la vie simple et naïve des Kabyles algériens. Il allait être nuit, nous chantions sous les tentes, le prince de sa belle voix de ténor lançait ses notes aux premières étoiles, et près de lui, déjà, je pensais à dormir, lorsqu) une jeune Kabyle de seize ans à peine, belle comme le sont presque toutes ces lilles du soleil et du grand air sauvage, pénétra sons ma tente : — Je veux parler à la mouquère blan che, cria-t-elle. Un officier servit d’interprète et voici ce que me dit la jeune fille : — J’aime Ali, Ali m’a dit qu’il m'ai mait ; mon père lui a accordé ma main qu’il demandait. Aujourd’hui, Ali ne m’aime plus, il ne parle plus de m’épou ser. J’ai juré, par Allah, que jamais mon corps ne recevrait les caresses d’un autre homme, il ne me reste plus rien à espérer de la vie, si Ali me délaisse. Dans ton pays, que font les femmes ? Toi, tu es belle, tu dois être une des premières fem mes de là-bas, ton mari a dû te payer très cher, qu’aurais-tu fait ? Personne ne souriait, le prince luimême était sérieux ; quant à moi, j’étais fort troublée par ce que je devais répon dre, et surtout par les yeux de Khorsa qui me fixaient étrangement. — Dans mon pays, on ne pense pas comme dans le tien : ton Dieu est ton maî...
À propos
Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.
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