PRÉCÉDENT

Le Fin de siècle, 19 avril 1896

SUIVANT

URL invalide

Le Fin de siècle
19 avril 1896


Extrait du journal

une à une ses paroles dans le cerveau et les y incruster à jamais, reprit : — Vous avez lu quelquefois peut-être â la quatrième page des grands journaux hon grois ou russes d’énigmatiques annonces qui étaient libellées ainsi : « JEUNE FILLE JOLIE, batteuse », puis une adresse quelconque. Cela signifie que mademoiselle X. .ou Y. . est affiliée à notre secte, prête si l'homme qui lui écrira, qui l’implorera, vient au rendez-vous aussitôt accepté, l'intéresse, lui plaît,à devenirl’amie qui le dominera, qui lui donnera le délice de souffrir, le rêve du ciel, qui le rendra pareil à ces saints dont la chair se purifiait en d’incessantes macérations; qui le flagellera avec la frénésie d'un bourreau qui s’acharne sur sa victime. Ensuite, si celle façon de mariage sc conclut, l’un et l’autre se retrou vent dans quelque appartement couvert d'épais tiipis, tendu d’étoilés où se heurteront sans échos les * clameurs et les plaintes. L’homme se déshabille à demi, s’étend, le torse nu. sur quelque peau de hèle, tend ses poignets et ses chevilles à la femme pour qu’elle y vive des annenuxde chaînes, qu’elle le réduiseà l’impuissance absolue. Et, décollef«:e, en toilette de bal toute, blanche, la pelisse de zibeline rejetée derrière soi, les doigts crispés au pommeau d'une cravache, la batteuse use ses forces sur l’être qui est maintenant en sa possession, frappe à tour de bras, frappe encore, frappe toujours, s'affole, sc grise de ces cris d'éperdue tendresse, de ces sanglots d adoration, de ces râles «le souffrances qui montent vers sa beauté, «le ce sang qui jaillit, qui emplit la chambre comme d’une odeur d'holocauste, a comme un délire sacré, plonge des yeux de flamme dans ces yeux de victime qui la con templent. qui la dévorent, qui la caressent à travers une huée de larmes, dans cette chair qu'elle sent à sa merci, et dont l'âme tout entière, les pensées lui appartiennent. Et elle voudrait que son faible corps de femme, que ses bras, que scs muscles aient une vigueur formidable, que ses forces s’éternisent, se décuplent, frapper jusqu’à ce qu’il en meure, et qu elle retombe près de lui, le cœur brisé, les prunelles éteintes ! — Malepeste, quelle conviction, mademoi selle, balbutia Laumières de ce ton pâteux qu’on a quand on s’éveille en sursaut au milieu de quelque cauchemar, voilà des turlutaines qui ne me tentent pas, mais pas du tout ! L

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

En savoir plus
Données de classification
  • leprince
  • van zandt
  • falstaff
  • bullier
  • gabriel
  • marinoni
  • convard
  • durand
  • paris
  • berry
  • cythère
  • bois
  • germaine
  • versailles
  • mary
  • neuilly
  • vignolles
  • la seine
  • maxim's
  • paris sa
  • casino de paris
  • conseil d'etat
  • maud