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Le Français, 11 juin 1870

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Le Français
11 juin 1870


Extrait du journal

l’Université impériale. Il y a dans les productions littéraires du temps , sauf quelques grandes mais rares exceptions, une absence générale d’originalité qui frappe tous les bons esprits. Cela tient à la suppression de cette spontanéité et de cette initiative personnelle que cette insti tution prétendue savante a étouffées. Les études classiques supérieures n’attirent plus que par le côté archéologique. On semble saturé des Grecs et des Latins, parce qu’on les a étudiés sous tous les grands aspects et qu’il n’v a plus rien de nouveau à y découvrir. C’est presqu’un sujet épuisé qui est devenu lieu commun et qui ne peut plus piquer la curiosité d’un public trop indifférent. Il y aurait bien un côté neuf à faire ressortir qui rajeunirait ces antiques litté ratures : ce serait de les comparer aux créations similaires inspirées par le génie national et chrétien. C’est même à cette source qu’ont puisé les professeurs les plus éminents de la première moitié de ce siècle ; c’est là ce qui a donné à leurs cours et à leurs écrits une originalité qui a fait leur grand et légitime succès. MM. Villemain, Guizot, Ozanam, Ampère et même M. Saint-Marc-Girardin ont dû à cette comparaison leur gloire la plus pure. Eh bien, ce qu’ils ont si bien commencé, il faudrait le continuer sur une plus large échelle et parcourir tous les siècles de l’ère chrétienne, en y recherchant, d’un côté, les vestiges de l'imitation grecque et latine; en faisant ressortir, de l’autre, la puissante originalité du fond et la grande supériorité de l’idée. Ce seiait là l’œuvre de nos uni versités libres, du moins de celles dirigées par l’esprit chrétien 1 Et je le demande, de pareils travaux ne seraient-ils pas propres à faire entrer tes liantes études dans une nouvelle ère de progrès ? La comparaison même de cette forme moins parfaite avec la forme antique ne ferait-elle pas mieux valoir ce que celle-ci a d'éternellement beau ? Gela entraînerait à des recherches de linguistique, à des études philologiques qui offriraient un in térêt- réel à la curiosité du public. On me répondra peut-être : Vous vou lez donc nous ramener à la barbarie du moyeu âge, et vous prétendez nous faire aimer les belles-lettres à ce contact im pur : ce serait une profanation que nous ne vous permettrons pas ! Cette objection serait vraiment puérile. Je connais le charme des hautes études classiques. Quatre ans j’ai bu à cette cou pe enchantée, et j’y ai fait boire les autres; et je serais un ingrat si je n’étais recon naissant de toutes les jouissances que l’é tude de nos grandes littératures m’ont procurées, .le leur ai, du reste, payé le tri bu de reconnaissance que je leur dois en les défendant avec vigueur contre cette barbarie pieuse qui, il y a vingt ans, voulut les proscrire de l’éducation chré tienne. Mais ce que j’affirme, c’est que ce culte exclusif de l’antiquité est insuffisant à notre époque ; et la meilleure comme la plus évidente des preuves de ce que j’a vance, c’est l’abandon et le discrédit où se trouvent nos Facultés des lettres. A ces dédaigneux qui semblent nous mépriser, je dirai : Pendant un siècle vous avez eu le monopole du beau antique. Qu’en avez-vous fait? qu’est-il devenu entre vos mains? Ce n’est pourtant pas le talent qui vous manque; ce n’est pas la science qui vous fait défaut. C’est le feu sacré qui est absent! Vous l’avez laissé s’éteindre ! Ne soyez dont, pas si fiers et laissez d’autres essayer de le ranimer. IL vous réchauffera vous-mêmes et nous vous rendrons un double service : celui de la lutte et d’une loyale rivalité, et celui de mieux faire valoir ce que vous savez et ce que vous pouvez ! Je m’interromps, monsieur, dans ces réflexions qui se pressent en foule; car, pour un journal surtout, il faut savoir se borner. Je crois avoir suffisamment ex posé les motifs qui nous ont décidés, mes collègues et moi, à entrer en lice pour ob tenir ce que la loi nous a promis, la li berté de l’enseignement supérieur. Dans une prochaine lettre, j’examinerai les moyens de la réaliser. J’ai l’honneur d’être avec respect, etc. L’abbé Cn. Martin, Directeur du collège libre de Colmar. Mort de M. Charles Dickens La littérature anglaise vient de perdre un de ses . représentants les plus émi nents et les plus populaires. Une dépêche de Londres nous apprend que M. Ch. Dickens est mort cette nuit, à la suite d’une courte maladie. M. Dickens était dans son état de santé habituel lorsqu’il a été frappé hier matin par la maladie. Un télégramme a été adressé de sa maison de campagne de Gad's Hill à ses médecins, M. Beard et le docteur Reynolds, pour les prier de se rendre immédiatement à Brigham par l’express. Les médecins ont constaté que l’il lustre romancier avait été frappé d'une attaque de paralysie. Il n’a pas repris connaissance depuis le moment où il a été frappé jusqu'à sa mort. — G. Huber....

À propos

Lancé en 1868, Le Français était un quotidien à la fois catholique et libéral. Tirant à seulement 4 000 exemplaires, son lectorat est toutefois toujours resté très limité. Absorbé par Le Moniteur universel en 1887, le directeur du Français publie néanmoins quelques numéros en indépendant jusqu'en 1898, afin de conserver la propriété du titre.

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