PRÉCÉDENT

Le Français, 14 août 1868

SUIVANT

URL invalide

Le Français
14 août 1868


Extrait du journal

Il a prononcé un discours plein d'idées élevées, et qui dans certaines parties es! réellement éloquent. Il nous arrivera peut-être quelquefois de ne pas approuver les discours de M. le ministre de l’intérieur; nous en saisissons avec d’autant plus d’empressement une occasion d'applaudir à un discours de M. Pinard. Voici le discours que public le Moniteur de ce matin ; Jeunes élèves, Je n'ai pas voulu laisser à d’autres l'hon neur (le présider cette fête de famille. En assistant à col b* distribution des récompen ses qui rappelle et couronne vos efforts, je réponds sans doute au désir (le votre excel lent directeur, que je compte au nombre de mes vieux amis, mais je crois surtout rem plir une de mes meilleures tâches. Sous le règne de Napoléon III, quelle est l’œuvre utile au malheur qui n’ait droit aux préoc cupations du pouvoir? Tous les grands siè cles ont ouvert aux souffrances humaines des asiles impérissables; nous continuons glorieusement cette tradition, et la politique n’a pas pour nous ces horizons étroits où l’esprit d’égoïsme la croit trop souvent en fermée. Si la politique est la justice vis-à-vis de tous, elle est l’assistance vis-à-vis des fai bles. Si elle voit dans la société des problè mes, elle y voit aussi des douleurs. Dans le citoyen, elle affirme et elle respecte le droit; dans l’homme elle sait voir, elle sait aimer l'humanité. Pénétré de celte pensée, je franchissais tout à l’heure avec émotion le seuil de cette noble maison. Je songeais à tous ceux qu’elle recueille, à tous ceux (pii la quittent. Elle les prend faibles, me disais-je, (‘lie les prend enfants; elle les vend grands, elle les rend forts pour les luttes (le la vit*. Et alors, toutes les éludes accomplies entre ces deux dates, toutes les tâches interrompues et re nouvelées, tous les efforts infructueux la veille et féconds le lendemain, tout m’est apparu comme mi merveilleux enseignement. La fête de ce jour, elle résume pour moi les leçons du maître, les essais de l’élève, les inquiétudes et les promesses, les décourage ments et les espérances d’une année tout entière. Aussi en voyant ces couronnes qui représentent tant de labeurs, je m’incline avec une sorte de respect devant une grande puissance dont vous ne soupçonnez peut-être pas toute la souveraineté, je m’incline de vant la volonté humaine et les miracles quelle opère. Oui, cette solennité est bien la fête de la persévérance, la fête du ferme vouloir. Vouloir c’est pouvoir, a dit un vieux dic ton, car il semble que l’homme écrive ainsi son histoire dans chacun des proverbes po pulaires que toutes les général ions se trans mettent. Prenez l’intelligence à son berceau : que de volonté pour lui donner conscience d’elle! Comme les voiles sont tombés lente ment! que de sourires pour avoir un sou rire! que de paroles jiour avoir un premier bégayement : sons inarticulés et charmants, doux langage de l’enfant qui reconnaît sa mère! Prenez le cœur, cette autre face de l’âme distincte de l'intelligence, et ne se dévelop pant qu’avec elle. Que de patientes luttes pour l’élever! que d'efforts pour lui appren dre la ]>1 us douce et la plus difficile des choses, l’amour du bien et la fuite du mal! Prenez le corps enfin, ce corps qui vit avec l’aine et qui se développe lentement comme elle. Que d’essais toujours patients, toujours renouvelés, pour l’assouplir à l’œu vre élémentaire et nécessaire : vivre ; vivre, c’est-à-dire marcher, se nourrir et se vê tir. Oui, l’homme est partout et toujours le produit de la volonté humaine. Dieu l’a créé fini, c’est-à-dire imparfait et il lui a dit : « Achève mon œuvre. Je laisse cette tâche inaccomplie à ta liberté, c’est-à-dire a ton vouloir. Tu ne créeras pas, Dieu seul est créateur; mais tu animeras, tu développe ras, tu transformeras l’œuvre créée : tou ac tivité, qui féconde tout, sera ainsi le reflet de la puissance divine qui t’a fait à son image. » Où affirmer, messieurs, coite toute-puis sance d * la volonté humaine, si ce n’est point ici ? Ailleurs, elle élève l'homme; ici, elle fait bien plus encore, elle le guérit. Ailleurs, on le lui livre complet; ici on le lui donne foudroyé dans sa naissance, privé d'un organe essentiel. Et ici, comme ailleurs, elle le rendra vraiment homme, raisonnant, aimant, agissant, communiquant avec ses semblables comme si l’organe disparu avait été restitué! Analysons, si vous le voulez, le résultat et le moyen, pour nous rendre vraiment compte de la puissance de celte volonté qui a conquis 1»; résultat et trouvé le moyen. Quand l'homme communique avec l'homme il crée dus signes, et ces signes correspon dent à la fois à l’esprit et aux organes de ef deux êtres qui doivent s’entendre. Pour les yeux, nous traçons des caractères; pour les oreilles, nous articulons des sons. Mais que faire le jour où l’homme est jeté sur cette terre sans celte faculté de la vue, sans cette faculté de l’ouïe? Les communications ne deviennent-elles pas impossibles, et le monde n'est-il pas à jamais fermé pour cet exilé so litaire? Ali! qui dira les angoisses de la mère qui constata la première la cécité de son fils, son mutisme ou s:t surdité? L’enfant de ses e ni vailles ne la voyait pas, il ne l'entendait pas, il ne devait jamais lui parler. Eu le sevrant contre le sein qui l'avait allaité, (llle dut avoir de mortels effrois et d’étranges sanglots. Où sa douleur trouvait-elle des précédents? La mort prenait donc place à son foyer sous les dérisoires apparences de la vie! Le pauvre enfant était de trop au banquet. C’était le mal sans la guérison, la douleur sans l’espérance! Mères du présent, mères de l’avenir, réjouissez-vous! vous n’aurez plus les tortures de celles qui vous...

À propos

Lancé en 1868, Le Français était un quotidien à la fois catholique et libéral. Tirant à seulement 4 000 exemplaires, son lectorat est toutefois toujours resté très limité. Absorbé par Le Moniteur universel en 1887, le directeur du Français publie néanmoins quelques numéros en indépendant jusqu'en 1898, afin de conserver la propriété du titre.

En savoir plus
Données de classification
  • pinard
  • homère
  • florès
  • poujoulat
  • masson
  • monaghan
  • monagas
  • armand léon
  • magne
  • lagrange
  • france
  • europe
  • paris
  • londres
  • paraguay
  • vienne
  • berlin
  • plata
  • brésil
  • madrid
  • la république
  • cologne
  • union