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Le Français, 19 mai 1871

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Le Français
19 mai 1871


Extrait du journal

« Elle est tombée ! Justice est faite ! — Elle est « tombée, le nez sur le fumier, sans autre accident « que le cou cassé du bonhomme, providentielle« ment décapité ! Je l’ai vue choir... Je puis fermer « les yeux. Notre œuvre est faite : Nunc dimittis. » Ainsi s’exclament le Cri du Peuple et le Vengeur, et avec eux tous leurs dignes confrères poussent un hurrah sauvage et triomphant. Qui donc est tom bé? Quel symbole de honte et de douleur a donc été brisé, en ce « jour mémorable dans l’histoire de la France et dans la vie de l’humanité.?» Est-ce quelque monument portant écrits sur son fronton les noms de nos désastres, quelque fourche caudine imposée dans un jour de défaite par un insultant vainqueur ? Non : c’est le dernier signe de ce qui fut autrefois la gloire de la France ! C’est ce colosse de bronze qui nous disait à tous : « Et vous aussi, Français, aujourd’hui courbés sous le désespoir et sous l’humiliation , et vous aussi, naguères vous avez été fiers, glorieux, triomphants. Ceux qui vous écrasent aujourd’hui ont senti le poids de votre talon vainqueur : ne désespérez point : car si votre malheur d’aujourd’hui est de ceux qui ne s’oublient pas, moi, en revanche, moi dont l’impassible ma jesté a traversé trois invasions, à travers les siècles futurs, je ferai vivre le souvenir des grandeurs françaises. » Qu’on nous accuse, si l’on veut, de chauvinisme : c’est un mot si vite prononcé chez nous, quand on a le malheur de montrer qu’on aime la patrie ! La chute de cette colonne, que l’on a si souvent chans rnnée, mais que nulle chanson n’a pu rendre ri dicule, est à nos yeux le plus monstrueux des at tentats contre la France, le plus douloureux des deuils nationaux: elle avait résisté à trois invasions : des Français la détruisent 1 et ils la détruisent en présence de cet ennemi même dont elle rappelait à jamais les anciennes défaites ! mais sont-ce bien des Français, sont-ce les Parisiens qui ont commis un tel crime de lèse-nation? Hélas! s’ils ne l’ont pas commis, du moins ils l’ont laissé commettre devant eux, par cette écume des nations qui leur impose sa tyrannie féroce. Aurait-on donc réussi, à force de rire du chauvinisme, à détruire le patriotisme, à désintéresser les Français des grandeurs et des gloires de la France? Les aurait-on à ce point trompés, égarés, affolés, qu’ils se laissent pren dre encore, après les désastres inouïs, après les humiliations sans nombre qui leur ont été infli gées, à ces vains mots de « Fraternité universelle», et qu’ils placent le soin de ne pas déplaire aux en nemis qui les oppriment avant le souci de leurs souvenirs historiques et le respect de leur propre honneur? Non, non, nous ne pouvons le croire : le jour n’est pas loin où contre cette profanation la clameur vengeresse s’élèvera, irrésistible, parmi ceux-là même qui gardent aujourd’hui le silence de la peur. Mais il faut du moins que de cette honte une le çon éternelle se dégage, et enseigne aux générations à venir à ne plus tolérer de pareils sacrilèges II faut que sur le piédestal de la colonne rebâtie, relevée dans les airs, comme une protestai ion nationale, on grave l’inscription suivante : « La France entière « l’avait élevée : quelques bandits l’ont abattue, et « Paris les a laissés faire !... » Au moment où la France, exaspérée de tant d’ex cès, n’a d’autre espoir que la vaillance de son ar mée,.il est bon que l’Assemblée s’occupe de la re constitution de nos forces nationales. Dans sa séance d’hier, la Chambre a décidé qu’une commission de 45 membres serait chargée d’examiner les questions relatives à l’organisation de l’armée. Elle a voulu donner à cette commission une importance excep tionnelle en lui conférant des pouvoirs suffisants pour faire une enquête sur l’état actuel de nos ser vices militaires. De son côté, le Gouvernement. préoccupé des mêmes nécessités, a annoncé qu’il avait l'intention d’instituer une commission d’offi ciers pour se livrer parallèlement aux mêmes étu des. Ainsi, le Parlement et le Pouvoir exécutif...

À propos

Lancé en 1868, Le Français était un quotidien à la fois catholique et libéral. Tirant à seulement 4 000 exemplaires, son lectorat est toutefois toujours resté très limité. Absorbé par Le Moniteur universel en 1887, le directeur du Français publie néanmoins quelques numéros en indépendant jusqu'en 1898, afin de conserver la propriété du titre.

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