Extrait du journal

Une fausse joie. Il est des gens qui assistent en sou riant et en se frottant les mains avec une satisfaction mal déguisée à tout ce gâchis ministériel et parlementaire. Ce sont les amis du régime personnel. Ils s’imaginent que l’échec des combinai sons ministérielles sera, aux regards de l’opinion, la constatation de l’impuis sance des hommes nouveaux, et que le discrédit du Parlement sera le discrédit du régime parlementaire. Il faut que ces hommes aient une singulière idée de la naïveté et de la sottise du public français. Croient-ils donc que l’opinion ne voie pas partout la main du pouvoir personnel ? Si le ministère ne se constitue pas, n’est-ce pas parce que le pouvoir personnel ne veut pas abdiquer? Si la Chambre est sans consistance, si les députés vont d’un pôle à l’autre, signant un jour un programme libéral, approuvant le jour suivant les actes qui sont la contradic tion de leur programme, également prêts à former une majorité autour d’un ministère Buffet-Daru ou d’un ministère Üllivier-Duvernois, à qui la faute, si ce n’est au pouvoir personnel qui l’a choi sie et qui l’a fait nommer ? Que l’on ne s’v trompe pas, ce que cette situation inspire à l’opinion, c’est non pas la répugnance pour un régime qui n’a pas été mis en pratique ; mais la volonté énergique de sortir de ce gouvernement personnel qui gâte tout ce qu'il touche. Seulement , les hommes de liberté pourront, dans ce cas, se trouver obligés d’ajouter un nouvel article à leur pro gramme : la dissolution du Corps légis latif. Est-ce à dire que ces avortements mi nistériels, celte inconsistance parlemen taire soient sans danger sur l’opinion ? Non. C’est un malaise et un retard : un malaise qui peut amener le décourage ment, un retard à un moment où les minutes sont précieuses. Il nous faudra peut-être trois mois pour user ce minis tère bâtard dont on nous menace, et la Chambre qui se sera compromise à sa suite. Qui nous dit que nous ayons ces trois mois devant nous ? Pierre Marie....