Extrait du journal

Aucun événement militaire important à signaler depuis hier. Les Prussiens sen tent évidemment qu’ils se trouvent en pré sence d’une résistance formidable. Ils ne s’y attendaient pas, et cette découverte n’est pas faite pour relever le moral abattu de leurs troupes. A Paris, au contraire, la confiance est complète. Elle a pénétré les esprits qui jusqu’à présent y avaient été le plus re belles. Les hommes les plus compétents, qui hésitaient il y a quelque temps, décla rent maintenant qu’ils croient à la résis tance victorieuse de Paris. L’esprit s’enflamme à la vue de ces glo rieuses perspectivesi La résistance heu reuse, c’est la France sauvée, l’honneur national vengé, Paris purifié et réhabilité, la fondation du nouveau gouvernement facilitée. Et l'on entrevoit les desseins de la miséricorde providentielle qui se cachaient sous tant de dures épreuves. Mais ce n’est que par la lutte et par la souffrance que l’on peut arriver à ce résul tat. Il ne faut donc pas plus nous engour dir dans l’espérance, qu’il ne fallait hier nous décourager dans le revers. 11 faut veiller et agir. La Prusse ne lâ chera qu’après de formidables efforts. Ces jours-ci, on croyait à une tentative d’attaque de vive force. Aujourd’hui, on y croit moins, tout en sentant la nécessité de s’y tenir prêt. On s’attend plutôt à un bbmbardement. Les Prussiens font venir leurs canons de siège ; ils construisent des ouvrages importants sur les hauteurs de Sèvres, et ils vont de là, avec leurs pièces à longue portée, atteindre une partie de Paris. Les précautions sont prises pour repousser cette attaque; mais il faut que la population s’apprête à supporter virile ment les conséquences d’une pareille lutte. Tout nous fait espérer qu’elle sera à la hauteur des événements. Nous avons déjà signalé plusieurs fois et nous continuons à constater son excellent esprit : esprit de fermeté contre les Prussiens, d’union à l’intérieur. Les Jacobins continuent sans donte à faire exception dans cette œuvre patrioti que, et l’on verra plus loin où ils en sont, mais nous devons reconnaître qu’ils sont chaque jour plus antipathiques à l’opinion et plus réduits en nombre. Des hommes que l’on pouvait croire appartenir à leurs rangs se séparent d’eux par leur conduite: on n'a pas oublié l’allocution patriotique de M. Gustave Flourens. C’est M. Blanqui qui paraît être le chef et l’inspirateur des incorrigibles. Esprit fanatique, étroit et résolu, qui poursuit en ce moment, aux dépens du pays, la réalisation d’un rêve que le bon sens de générations successives a fait déjà plusieurs fois échouer. On comprend du reste l’irritation et l’amer désappointement des Jacobins. Us voient disparaître une occasion sans pareille. Depuis les beaux jours de la Commune de 1793, leur rêve a toujours été le même : gouverner la France entière au moyen de Paris, et s’imposer à Paris au moyen de la rue. C’était pour réaliser ce rêve qu’ils demandaient à la fois les élections à Paris et la suspension de toute élection en pro vince. Le coup était monté avec audace, et un moment ils ont cru réussir. Mais le Gouvernement a fait acte de fermeté et il a déjoué leurs projets en ajournant toutes les élections. De là, bien des cris de co lère dans les journaux du parti. Il ne faut ni s’en étonner ni s’en effrayer....