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Le Globe, 3 juin 1845

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Le Globe
3 juin 1845


Extrait du journal

versait toute la façade. C’était dans l’une d’elles que Karl-Jules avait établi son domicile ; le rez-de-chaussée lui servait d’atelier, et la pièce supérieure de chambre à coucher. Debout devant une petite glace de Venise, le jeuue homme arrangeait ses cheveux avec le plus grand soin ; il songeait à la comtesse Hélène, au moine mystérieux, au pourpoint qu’il devait mettre ce jour-la... Sui tes deux premiers points il ne pouvait obtenir aucune solution ; suç le troisième, il se décida pour un habit noir simplement crevé de satin et garni de rubans cerise ; il y joignait tous les accessoires qui pouvaient faire ressortir son agréable figure. Depuis que la cour était à Saint-Denis, le roi avait fait une retraite; on ne l’avait point vu au dehors ; les dames de sa suite gardaient éga lement leur appartement. Vendant tout ce temps, Karl-Jules avait été impatient et rêveur dans le cours de ses occupations, quittant plus tôt le travail, comme pour hâter ia tin de la journée, et, dès ta nuit venue, allant passer de longues heures à errer autour du bAlimenl habité par les nobles voyageurs. Mais ce jour-là on devait consacrer l’autel des Martyrs, et dans la solennité qui se préparait, l’artiste était bien assuré de revoir au moins de loin Mlle de Gueménée. Il en était là de sa toilette et de ses espérances, lorsque le vieux sa cristain entra dans sa chambre. — Monsieur Karl, dit celui-ci, ne pourriez-vous venir achever ces deux grandes figures du tombeau de Louis XII, avant qu'on ôte vos échafauds pour la cérémonie? — Impossible, mon cher sacristain ; on n’anime pas le marbre aussi vite qu’on allume un cierge. — Ne pourriez-vous au moins mettre un bras droit ail baron saint Martin, qui en a grand besoin pour tenir son épée? et achever le buste de l’archange, que vous avez laissé fort étourdiment le jour de l'arrivée du roi, et auquel vous n’avez point travaillé depuis? — Je suis très peu disposé à travailler en ce moment, dit l’artiste eu arrangeant le lacet de ruban du son pourpoint, ouvert en éventail sur une chemisette finement plissée; le baron saint Martin se passera en core do son bras pour aujourd’hui ; quant à saint Michel, lu moitié de son buste est achevée, et cela suffit, de nos jours, où les anges ne bat tent plus guère que d’une aile. — Il faudra bien s’en contenter, dit le père Bonifaco en soupirant; l'essentiel est que l’eglise soit bien en ordre, et, depuis quatre heures du matin, ma tille et moi nous travaillons à la faire nette et luisante comme un miroir. — A propos (le votre fille, mon cher sacristain, je la trouve, contre son ordinaire, un peu j.ûie et abattue ; il me semble qu’elle n est pas bien remise de son indisposition de l’autre jour. Car le sculpte ur, sans sï-tre aperçu, dans le moment, de l’évanouis sement de Berthe, eu avait entendu par.er depuis dans le village. — Ma fille! dit Bonitace eu se redressant et en secouant en arrière ses longs c heveux blancs, qui a dit que ma fille se fût évanouie? qui a ose avancer cela ? quelques médians comme il y eu a tant dans le pays. Gh! les mauvaises langues ! voyez-vous, je leur arracherai les yeux ! Karl-Jules regarda le sacristain avec étonnement ; il vit que, comme...

À propos

Le Globe était un quotidien guizotiste dirigé par Adolphe Granier de Cassagnac, partisan d’une monarchie tempérée par une Constitution et deux chambres. Journal politique défenseur de la Monarchie de Juillet et du suffrage censitaire, il fut publié de 1837 jusqu’à 1845. Cette tribune politique orléaniste sombra peu avant la chute de Guizot, trois ans avant la Révolution de 1848 et la fin de la Monarchie en France.

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