Extrait du journal

rira pas : ce que Manuel a fait dira ce qu’il aurait pu faire; et à mesure que le temps s’avancera , à mesure que les caractères politiques se iormeront, plus de respect entourera ce caractère qui, à force de simplicité « t de bonne foi, eût été, même seul, une haute suprématie d’in telligence, si la nature n’y avait ajoute l’étendue de l'es prit. Des hommes respectables, que des nuances d’opi nions séparaient autrefois de Manuel, ne l’ont pas tou jours compris et senti ; ils n’ont vu trop souvent en lui que le représentant de la vieille énergie révolutionnaire, tandis qu’au contraire nul ne représentait mieux la jeune France. Il en eut toute la prévision doulou reuse, tout le hardi courage aux premières atta ques tentées contre nos libertés ; mais plus que per sonne il eut le calme qui règle l’impatience. Mêlé avec celte jeunesse que d’autres aspiraient à gou verner par la seule autorité des conseils salutaires mais donnés de loin , Manuel la tempérait, l’éclairait, la sauvait par amitié de ses exaltations et de son dévoûment. Sa prédilection ne fut donnée qu’aux co urs assez fermes pour savoir attendre et aux esprits assez élevés pour ne compromettre jamais les destinées du pays. C’est à cette élite de jeunes courages qu’il aimait à se con fier ; c’est là qu’il voyait le germe de cette opinion puis sante , irrésistible, dont le premier éclat vient de sifa ire dans nos dernières élections. 11 en suivait toute» les phases avec une curiosité inquiète, mais avec une Un paisible ; et, surtout dans sa solitude, combien de lois, s’élançant par la pensée aux jours où les générations élevées à l’ombre de la tribune depuis quinze ans y par viendraient enfin, il aimait à rêver leur modération , leur force, leur habileté pratique ; à se mêler en idée à leurs travaux d’âge mur. comine il avait réglé leur fou gue de jeune âge! C’est là qu’il eût aimé surtout à se faire sa popularité, non cette popularité d'un jour dont les bruyants éclats ne l’étourdirent jamais, dont l'abandon 11e le surprit pas non plus, mais cette popularité qui vient des sages et du temps , et que confirme la postérité. Quel que soit le malheur de sa mort prématurée , elle ne lui manquera pas, nous l’espérons ; sa tombe en sera parée; et sur ce monument aux pieds duquel pleure Béranger la France a déjà écrit ses regrets, et dans ses regrets l'a venir du nom de Manuel. Manuel et Béranger ! noms à jamais unis; amitié à jamais consacrée, et qui nous ra mène à de plus tristes mais plus douces émotions que les douleurs politiques, à la contemplation de cette vie pri vée , d'un si gracieux abandon , d’une mélancolie si rê veuse, et d’une si charmante intimité. Je ne sais si je suis indiscret, mais j’aimerai* à montrer ce prétendu meneur,...