Extrait du journal

LA SITUATION Ce jour, 5 mai, est l’anniversaire de la mort du grand capitaine qui nous fut si dur et si fatal,et qui s’est éteint à Sainte-Hélène, laissant après lui cette prophétie : it Dans cinquante ans, la France sera républicaine ou cosaque Les temps sont arrivés : la France est républicaine. L'aigle 44 était-il encore ” dans le secret des Dieux ” en ses prévisions dernières ? Remarquons, pour ne pas trop nous extasier, que sa prophétie était un dilemme, une sorte de lumière à deux branches, et que l’oracle bien avisé an nonçant ou ceci, ou le contraire, était for mulé de façon à ne pas être déjoué par l’é vénement. Après quelles épreuves, quelles luttes intérieures ou extérieures, la France estelle arrivée à cette libre possession d’ellemême sous la forme républicaine ? Nos pères le savent, et nous surtout nous le savons, nous qui avons subi une troisième invasion et le démembrement, et toujours par le fait d’un Napoléon. « Car il bous faut tout perdre et toujours par leurs i | coups! « Voilà ce qu’il ne nous avait pas prédit le conquérant ; cette vision terrible de Sedan après Waterloo a été épargnée à son ago nie. Il s’agit maintenant de garder ce que nous avons, il s’agit de demeurer libres, le peuple français n’ayant jamais plus pour maître que le peuple français. Il y va de l’hon neur de notre générution de fonder enfin un gouvernement durable. Or, pour conserver la République fondée, il y a, personne n’en est plus convaincu que nous, des conditions essentielles à tout gouvernement, et dont la République pas plus qu’un autre, moins qu’un autre ne peut se passer. Quand les gouvernements sortent de ces conditions, on ne les renverse pas, ils tombent. Voilà, pour républicains que nous sommes, ce que nous savons fort bien, et ce que ni gouver nement ni gouvernés ne doivent oublier sous peine de mort. Les amis de nos institutions sont de plus en plus nombreux ; n’ayons pas pourtant d’illusions. Nos ennemis sont là, encore en force, guettant les fautes, heureux des fau tes, prêts à reconquérir le terrain perdu. La République, ils le crient, ils le gémissent sur tous les tons, ne peut s’installer en France que sur une pente qui aboutit fatalement au gouffre. les libéraux dépassés par les radi caux, ceux-ci poussés parles intransigeants qui donnent la main aux revenants de la Commune. Nous espérons que ces sinistres présages seront confondus ; notre politique est d'avoir l’œil sur le gouffre et aussi sur les sauveurs, de faire en sorte que si la Ré publique est forcement sur une pente, ce soit sur une pente qui monte au lien de descen dre, et monte à la paix et à la liberté. Il y a dans les mœurs politiques de la...