Extrait du journal
PARIS. 10 JANVIER. On a vu comment les esprits de la force de M. Ledru-Rollin jugeaient le christianisme, on va voir comment les hommes supérieurs de notre époque l’apprécient. Nous effacerons ainsi la souillure imprimée, à la face de l’Europe, à ce dogme divin dont la civilisation moderne est issue. C’est le môme sujet : l’action du christianisme sur l’homme ; le même sujet traité par un maître, au lieu de l’être par un écolier; le même su jet traité par un homme politique consommé, au lieu de l’être par un plagiaire de la politique de 1793, croyant dire du neuf. ..... Quand les précepteurs du peuple étaient des précepteurs re ligieux, ils s’appliquaient à détacher de la terre sa pensée, à porter en haut ses désirs et ses espérances, pour les contenir et les calmer ici bas. Ils savaient qu’ici bas, quoi qu’on fasse, il n’y a pas moyen de les satisfaire. Les docteurs populaires d’aujourd’hui pensent au trement et parlent au peuple un autre langage. En présence de celte condition difficile, et de cette ambition ardente de l’homme , au moment même où ils étalent sous ses yeux toutes ses misères, et fomentent dans son cœur tous ses désirs, ils lui disent que cette terre a de quoi le contenter , que s’il n’y vit pas heureux et à son gré, ce n’est ni à la nature des choses, ni à sa propre nature , mais aux vices de la société et à l’usurpation de ses pareils qu’il doit s’en rendre. Tous sont en ce monde pour le bonheur ; tous ont au onheur le même droit. Le monde a du bonheur pour tous... Et l’on s’étonne de l’agitation profonde, du malaise immense qui travaillent les nations et les individus, les états et les âmes ! Pour moi, je m’étonne que le malaise ne soit pas plus grand, l’agitation plus violente, l’explosion plus soudaine. 11 y a dans de telles idées, dans de telles paroles, de quoi égarer, de quoi soulever toute l’hu manité, et il faut que l’action conservatrice de la Providence, que cette sagesse innée et spontanée dont les hommes ne sauraient se dépouiller, soient bien puissantes pour qu’un tel langage, sans cesse répété et partout entendu, ne replonge pas le monde dans le chaos. Non, il n’est pas vrai que cette terre ait de quoi suffire à l’ambi tion et au bonheur de ses habitans. Il n’est pas vrai que le malheur des evénemens, le vice des institutions soient les seules causes, soient les causes dominantes de la condition triste et pesante de tant d’hommes... Ni les secrets de notre sort, ni les limites de no tre ambition ne sont sur cette terre... Réglez, comme vous l’enten drez, toutes les institutions ; réglez, comme il vous plaira, toutes les jouissances : ni votre sagesse, ni votre richesse ne combleront l’abîme. L’âme de l’homme est plus grande que les biens du monde. Il y aura toujours en lui plus de désir que la science sociale n’en peut régler ou satisfaire, plus de souffrance qu’elle n’en peut préve nir ou guérir. La religion! la religion! c’est le cri de l’humanité, en tous lieux, sauf Quelques jours de crises terribles ou de décadences honteuses. La religion, pour contenir ou combler l’ambition humaine; la re ligion, pour nous soutenir ou nous apaiser dans nos douleurs, celles de notre condition ou celles de notre âme ! que la politique, la poli tique la plus juste, la plus forte, ne se flatte pas d’accomplir, sans la religion, une telle œuvre. Plus le mouvement social sera vif et étendu, moins la politique suffira à diriger l’humanité ébranlée. Il y faut une puissance plus haute que les puissances de la terre, des perspectives plus longues que celles de la vie. 11 y faut Dieu et l’é ternité. Il faut entre la religion et la politique, de l’entente , de l’harmo nie. Appelés à agir sur îe même être et en dernière analyse, pour le même résultat, comment y travailler ensemble, s’il n’existe entre elles un certain fond commun de pensées , de sentimens , de des seins? Quelque distance qui les sépare, il y a un rapport intime, un contact fréquens entre les idées terrestres et les idées religieu ses de l'homme, entre ses désirs pour le temps et ses désirs pour...
À propos
Le Globe était un quotidien guizotiste dirigé par Adolphe Granier de Cassagnac, partisan d’une monarchie tempérée par une Constitution et deux chambres. Journal politique défenseur de la Monarchie de Juillet et du suffrage censitaire, il fut publié de 1837 jusqu’à 1845. Cette tribune politique orléaniste sombra peu avant la chute de Guizot, trois ans avant la Révolution de 1848 et la fin de la Monarchie en France.
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