Extrait du journal

Ou VUnivers est d’une candeur adorable, où il est d’une rare hypocrisie. Sa réponse de ce matin nous donnerait peut-être bien le droit d’opter pour la dernière de ces suppositions plutôt que pour l’autre ; mais nous voulons bien lui faire la grâce de rester dans le doute à ce propos. Il est impossible d'accumuler plus ré solument les contradictions les unes sur les autres, de se donner plus de démentis à soi-même, et surtout de divaguer plus com plètement que ne le fait l'Univers. Tantôt il prétend que si MM. Michelet et Quinet étaient contrôlés dans leur enseignement, ils seraient par cela même des hommes persécutés; et tantôt il dit et répète que le gouvernement, dans son projet de réforme du Col lège de France « a Vagrément de ces deux messieurs, » que « les deux professeurs semblent se prêter à ce manège ; » ce qui rient un peu à l’encontre de la précédente affirmation. Tantôt il décla re ne pas être « un journal d’opposition ; » et tantôt il se procla me prêt à « critiquer et à blâmer les actes du gouvernement, à s'opposer à ses empiétemens, etc. » : ce qui constitue, ce nous semble, l’aveu d’opposition le plus nettement caractérisé. Mais laissons là le chapitre des contradictions, qui deviendrait inter minable avec Y Univers. Constatons seulement, d’après les paro les mêmes de la feuille religieuse, que nous avons parfaitement le droit de l’appeler un journal d’opposition. L'Univers, qui ne paraît pas ’ ranger la modestie parmi les vertus dont la pratique est indispensable, présente 1 e Journal des Débats, le Globe et la Presse comme coupables de lui avoir « [iris tout à coup une:partie de ses idées. » Malgré la beauté de catout à coup, nous déclinons, pour notre compte, l’honneur d’avoir jamais pris quoi ce soit à l'Univers. El si jamais la fan taisie nous venait de lui emprunter quelque chose, ce ne serait, à coup sûr, ni la bonne foi ni la logique; car, selon certain pro verbe, dont nous hasardons une variante : le plus beau journal du monde ne peut donner que ce qu’il a. Parmi Je petit nombre d’idées que possède en propre Y Uni vers, la principale est une haine profonde pour ce qu’il appelle chrétiennement « le détestable esprit de la classe dominante, gâ tée par l’éducation qu’elle reçoit, etc. » Ne nous arrêtons pas aux aménités de ce langage, puisque Y Univers, oubliant son passé, nous affirme qu’il ne discute jamais avec fureur; mais pour suivons, et dcmandons-lui, une fois encore, pourquoi, s’il trou ve « l’enseignement de MM. Michelet et Quinet impie et, par dessus le marché, inepte (soit dit probablement sans fureur], » il persiste à ne pas vouloir que le gouvernement s’inquiète au moins de 1 * impiété dénoncée par Y Univers dans cet enseigne ment? 11 y a là, nous l’avouons, un mystère qui passe notre in telligence, ou plutôt qui nous donne à réfléchir. L'Univers, malgré sa haine pour « le détestable esprit de la classe domi nante, gâtée par l'éducation qu’elle reçoit », veut à toute force cependant prendre l’enseignement du Collège de France sous sa haute protection ; il passe du rôle d’accusateur public au rôle de défenseur officieux, en celle conjoncture, avec une prestesse et une ardeur incomparables : d’où cela peut-il donc venir? L'U nivers nous donne son profond amour de la liberté comme ex cuse de son inconséquence; il n’a jamais voulu, pour les deux professeurs, dit-il, que « le supplice des sifflets. » Certes, de la part de Y Univers, c’est là une marque de bénignité insigne et une grande preuve du progrès qu’a fait l’esprit de tolérance...