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Le Globe, 16 mars 1844

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Le Globe
16 mars 1844


Extrait du journal

D’où vient que tout à coup ils n’ont plus que haine et persécution pour le pasteur qui les y appelait? C’est que tout à coup ils ont aperçu ou cru appcrcevoir en lui un ennemi de la situation nouvelle qu’ils ont conquise dans la société. Eu un mot, ils ont vu ou cru voir dans le prê tre qu’ils respectaient hier un légitimiste qu’ils détestent aujourd’hui ; le prêtre a disparu, l’adversaire seul est resté. Hâtons-nous de le dire, la plupart du temps cette subite révolution dans leur conduite, dans les sentimons qui les inspirent, ne prouve que l’exagération de leurs défiances. A ne voir que l’humble prêtre en lui-même qui leur apporte la parole de Dieu, il y a loin qu’il justifie les soupçons qu’il a fait naître. Il se renferme ordinairement dans son ministère et ne se mêle pas aux passions au milieu desquelles il vit. Mais il a été imprégné d’idées et de doctrines qui éclatent malgré lui. Quelque sévère que soit la discipline qu’il exerce sur lui-même, il lui est impossible de ne pas laisser voir à des hommes qui l’observent à toute heure quelque chose des sentimens dont il a été nourri, et qui, dans leur ensemble, se rapprochent toujours de l’opinion légitimiste. S’il reçoit un journal , c’est un journal légitimiste, le plus souvent le Journal des Villes et des Campagnes, et alors les soupçons se changent en certitude. Alors le pauvre prêtre devient solidaire de tout le bruit qui se fait au dehors. 0:i entend dire par les diflbrens organes de la presse qui se pose en défenseur du catholicisme, qu’être viaiment ca tholique, s’e?t être légitimiste; que, combattre le gouvernement actuel et nos institutions, c’est servir l’Eglise. On voit tellement la religion exploitée au profit d'un parti, que toutes ces manœuvres réagissent sur l’obscur desservant, et en lui imposant en quelque sorte les li vrées d’une faction odieuse, rendent bientôt sa mission impossible. eDès-lors, monsieur, les deux faits que j’ai mis sous vos yeux se com prennent et s’expliquent, et en même temps vous avez dû apercevoir quel est le sentiment religieux qui domine dans nos campagnes , ce qui le fait naître comme ce qui l’arrête dans ses développemens. La religion catholique, dans toute sa pureté, attire les âmes ; la religion catholique, dans son alliance réelle ou soupçonnée avec le parti légi timiste, les trouble, les inquiète, les repousse. C’est un grand malheur pour le catholicisme que cette funeste soli darité, c’en est un non moins grand pour la France. Dans une dernière lettre, j’ai cherché à vous dire quelle était la moralité qu’entraînait après lui l’empire des intérêts matériels. Cette moralité,quelle qu’elle soit, manque de sanction. La religion seule peut lui en donner une, en l’acceptant pour la purifier. Cette moralité inspire quelques vertus pri vées, mais elle est impuissante pour faire naître toutes celles que ré clame la vie publique. Cependant il faut à tout prix, pour que la so ciété soit mise à l’abri des dangers qui la menacent, que les citoyens, à l’avenir, apportent dans l’exercice de leurs droits, dans l’accomplis sement de leurs devoirs, des sentimens plus moraux, plus élevés, plus désintéressées. C’est encore la religion de qui il faut espérer ce patrio tique eiseignement ; car, qui sait mieux qu’elle conseiller l’abnégation et l’oubli de soi-même? Le cle-gé catholique a donc une grande mission à accomplir parmi nous. Mais à cette mission qui lui vient de Dieu, il ne faut pas qu’il mêle une autre mission qui ne lui est offerte que par des hommes. Serait ce trop lui demander que de ne pas sacrifier la première à la seconde? Malgré de déplorables apparences, je ne saurais le croire. Non, le clergé français est trop éclairé, trop intelligent, trop dévoué à ses devoirs véritables, pour souffrir que la religion paraisse subordonnée aux intérêts d’un parti vaincu, et pour laisser croire plus longtemps que la causa de Dieu est mise au service de la cause de je ne sais quel César qu’il faudrait tout d’abord rappeler de l'exil. Quand on a charge d’àmes, pour les diriger dans la voie religieuse, on ne com mence pas par les inquiéter dans leurs droits légitimes au profit de terrestres intérêts. 11 faut avant tout dépouiller la religion d’un alliage impie qui la compromet. L’avenir du catholicisme en France et peutêtre aussi le repos et le bonheur de la France elle-même sont à ce prix. A....

À propos

Le Globe était un quotidien guizotiste dirigé par Adolphe Granier de Cassagnac, partisan d’une monarchie tempérée par une Constitution et deux chambres. Journal politique défenseur de la Monarchie de Juillet et du suffrage censitaire, il fut publié de 1837 jusqu’à 1845. Cette tribune politique orléaniste sombra peu avant la chute de Guizot, trois ans avant la Révolution de 1848 et la fin de la Monarchie en France.

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